EDF, antivax, retraites : comment les petits partis minent la majorité

par Valérie Lecasble |  publié le 05/05/2023

Sans majorité de gouvernement à l’Assemblée nationale, les députés de l’opposition  massacrent ses textes. En prélude au 8 juin, contre la réforme des retraites ?

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti à l'assemblée- Photographie de Hugo Passarello Luna Hans Lucas

Ils les font tourner en bourrique. Pour tailler en pièces les projets du gouvernement, les députés de l’opposition ont pris l’habitude de sortir de leur chapeau leurs propres propositions. La tactique est rodée : tard dans la soirée, quand l’hémicycle commence à être déserté par les députés de la majorité exténués d’être contraints de siéger en permanence, ceux de l’opposition soumettent au vote les propositions qu’ils ont eux-mêmes élaborées.

Dernier épisode en date, le 4 mai. Contre l’avis du gouvernement, la gauche initie un texte pour « protéger EDF du démembrement ». Après des heures de débats et plusieurs suspensions de séance, la proposition reçoit l’appui inopiné de la droite et du RN. Une alliance contre nature qui mobilise 127 voix contre 89 et une abstention.

Dans le paquet-cadeau, le bénéfice des tarifs réglementés de vente d’électricité que le Sénat avait octroyé aux TPE, est étendu aux PME et aux collectivités de moins de 50 000 habitants. Coût global : 11 milliards d’euros ! Un sérieux coup de canif et une lourde facture pour le texte initial du camp présidentiel sur le statut d’EDF.

Certes, le jeu des navettes parlementaires devrait empêcher ces propositions d’aboutir et la gauche d’obtenir finalement gain de cause. Mais cet épisode après tant d’autres met une fois encore en lumière l’ambiance électrique qui règne à l’Assemblée nationale.

Depuis l’échec d’Emmanuel Macron, il y a un an, à obtenir une majorité de députés, chaque voix compte. Empêcher le vote d’une motion de censure ou obtenir l’adoption d’un texte se révèle à chaque fois un tour de force. Il suffit de quelques élus de la majorité absents pour faire grand saut dans l’inconnu.

« Nous ne pouvons plus exercer notre fonction de député, réfléchir, être force de proposition et aller sur le terrain à la rencontre de nos électeurs », explique l’un d’eux, dépité, contraint de rester scotché sur son siège, pendant d’interminables séances….

Cette menace pour le fonctionnement parlementaire justifie la fébrilité qui s’est emparée des députés dans la perspective du 8 juin prochain. Ce jour-là, au surlendemain de la manifestation de l’intersyndicale le 6 juin, profitant de leur « niche parlementaire », les députés de Liot, le groupe centriste indépendant, tenteront de soumettre au vote leur proposition de loi sur les retraites qui … ne contiendra pas l’âge légal à 64 ans.

Contrairement aux motions de censure, une majorité simple suffirait pour la faire adopter.

Quel symbole si l’Assemblée nationale venait à annihiler, par un vote majoritaire, la loi du gouvernement passée en force grâce à l’arme massive du 49-3 !

Valérie Lecasble

Editorialiste politique