Edition: Miracle à l’Italienne

par Marcelle Padovani |  publié le 22/03/2024

Des best-sellers grâce à un mariage d’amour littéraire entre le Nord surdéveloppé et le Sud créatif. Sans spaghettis, sans foot, sans sexe…

L'auteur italien Zerocalcare est photographié lors de la petite foire Piu Libri Piu Liberi, événement d'édition médiatique à Rome, en Italie, le 9 décembre 2023 - Photo Massimo Valicchia/NurPhoto

L’Italie de l’édition se frotte les mains. Les ventes de livres explosent dans la péninsule. Le marché du livre est aujourd’hui la première industrie culturelle péninsulaire. Bien avant le cinéma et la télévision. Pour comprendre ce succès, il faut remonter au temps du Covid. Lorsque les malades confinés à domicile cherchaient un exutoire à l’angoisse et à l’ennui. La traditionnelle créativité italienne a aussitôt satisfait ce besoin émergent avec une offre de plus en plus prolifique, balayant tous les secteurs du livre : de l’essai aux jeux, en passant par la cuisine ou même la confession.

Du coup, le chiffre d’affaires annuel frôle les 3 milliards 400 millions d’euros soit 300 millions de plus qu’en 2 019. 84 000 titres ont été mis en vente contre 58 000 il y a cinq ans. Une hausse de faramineuse de 30 %.  L’Association italienne des éditeurs (IAE) note qu’ 1 milliard 800 millions d’euros du chiffre d’affaires total proviennent de la vente en librairie, dans les supermarchés, les foires et les festivals.  Les libraires restent donc au bout du compte les premiers vendeurs de livres avant par exemple, les sites en ligne.


 Deux sagas familiales écrites par deux Italiennes ont la faveur du public. “ La portalettere”(la factrice), signée Francesca Iannone. L’histoire d’un couple, lui originaire du Sud, elle du Nord qui semble avoir du mal à s’adapter au Mezzogiorno, les provinces du sud de la botte… Mais elle réussira un concours, deviendra factrice, proche des gens, diffusant les nouvelles, intervenant dans les conflits, conseillant les amants. Un gros succès.

Un autre roman, toujours écrit par une femme, Ada d’Adamo. « Come d’Aria » (Comme de l’air), prix Strega 2023 (le Goncourt italien) est une lettre d’amour d’ une mère atteinte sur la cinquantaine d’une maladie grave, qui décide de dialoguer avec sa fille handicapée. Deux best-sellers au féminin qui ne parlent ni de spaghettis ni de foot ni de sexe, mais de maladie, de douleur et de la dialectique Nord-Sud toujours vitale en Italie.


Mais c’est en parlant avec les éditeurs que l’on comprend mieux le miracle éditorial en cours en Italie. Oui, encore un miracle! Lorenzo Di Giovanni, éditeur de Mondadori, la plus grande maison d’édition italienne, estime que la raison du succès reste liée au “pluralisme du monde éditorial”, aux antipodes de la forte concentration française. Avec d’un côté, installé a Milan, le “puissant regroupement du Nord », avec des grandes maisons comme Mondadori et Feltrinelli. De l’autre la floraison des PME de l’Italie centrale et méridionale, avec Rome comme capitale. “La portalettere “ est imprimée par Narrativa Nord, et “Comme de l’air” par Elliot, éditeur du Centre-Sud.


Il faut donc l’admettre. C’est encore la bonne vieille recette des titres italiens classiques qui l’emporte, mêlant la riche puissance productive d’un Nord surdéveloppé à la créativité culturelle éparpillée du Sud. Recette historique s’il en est.

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome