Édouard Philippe : la politique du somnifère
Dans un style soporifique, l’ancien Premier ministre a confirmé sur BFM sa précoce candidature à la présidence de la République. Un projet d’avenir fondé sur les idées du passé.
Édouard Philippe est un homme sympathique et ouvert. Mais ce n’est pas lui faire injure que de remarquer qu’il n’est pas une bête de télévision. Il donnait hier soir quarante minutes d’entretien à Benjamin Duhamel sur BFM. Constatant sans soute que la France a besoin d’apaisement, il a dépassé la consigne et choisi la tactique… de l’endormissement. Et en dépit des efforts du journaliste, il a tenu à l’antenne des propos principalement soporifiques.
Il s’agissait de justifier par cet entretien sa décision d’annoncer sa candidature à la présidence de la République, événement cosmique survenu quelques jours plus tôt par le truchement d’une interview à l’hebdomadaire Le Point. Il a expliqué qu’il fallait dire les choses « franchement », pour ajouter qu’il était « patient mais déterminé ». Déterminé, il l’était à coup sûr, mais surtout impatient de brûler la politesse à la théorie d’ambitieux qui se pressent en rang serrés au sein de la droite et de la macronie pour briguer eux aussi la magistrature suprême : Wauquiez, Le Maire, Darmanin, Attal, Bayrou et peut-être même Barnier, si l’enfer de Matignon n’a pas raison de lui. Avec une telle troupe derrière lui, Philippe devait préempter le rôle.
Pour le reste, l’intense sentiment d’ennui diffusé par son intervention ne tient pas qu’à sa forme. Sur le fond, Édouard Philippe est un homme de tradition : il a tenu le discours que la droite républicaine répète avec application depuis Chirac et Sarkozy au moins : il y a trop d’impôts, trop d’État, trop d’immigrés, trop d’insécurité, il faut donc agir. Comment ? Par une « rupture » qui reposera sur un programme « massif ». Mais en quoi consistera cette « rupture » et où se portera cette « masse » soudain convoquée ? Mystère.
Un cacique du RPR des années 1980 n’eût pas dit mieux. C’est le grand paradoxe de la séquence politique enclenchée par Emmanuel Macron. Celui qui voulait mettre en œuvre une « Révolution », selon le titre de son livre de 2017, a été en fait l’artisan d’une restauration : celle de la domination politique ou gouvernementale, par l’intermédiaire de Michel Barnier, de l’antique droite républicaine, au charme décidément vintage, alors qu’elle ne rassemble derrière son panache mité que 10% des Français à peine. Étrange retour en arrière pour ce président qui prêchait naguère, avec une juvénile ardeur, pour un plongeon dans le « nouveau monde ».