Éducation : l’exemple britannique

par Boris Enet |  publié le 28/08/2024

Si l’éducation est un bien public et un droit inaliénable, les écoles privées doivent y contribuer !

D.R

En somme, c’est la juste sentence que s’apprête à prendre le chef du gouvernement britannique Keir Stamer. Une proposition présentée dans le programme du Labour avant son succès retentissant aux législatives de fin juin, qui ne relève nullement du coup de Trafalgar.

Ils ont beau avoir quitté l’Union européenne et le regretter amèrement au quotidien, voilà une mesure d’outre-Manche qui pourrait faire école à gauche, sur le continent. Bien sûr, comparaison n’est pas raison. L’abandon du service public d’éducation au Royaume-Uni au cours des quatorze dernières années de mandatures conservatrices a peu de dénominateurs communs avec la situation de la plupart des États de l’UE. Les frais de scolarité actuels du privé sont en moyenne de 21 390 euros selon l’Independant Schools Councils (ISC), mais grimpent allègrement à 50 000 pour les écoles élitistes destinées aux enfants des classes dominantes.

Oui, mais peut-on administrer et encadrer la société de demain avec 6,5 % des élèves scolarisés dans le privé, soit 600 000 enfants, au regard de l’effondrement d’une partie du système éducatif public ? Assurément non, sauf à en assumer un coût politique, culturel et démocratique particulièrement élevé.

C’est cette conviction qui a conduit les travaillistes à proposer une augmentation des taxes de 20 % dont étaient exonérées les écoles privées afin de les réinjecter dans une école publique en souffrance. Que faire avec 1,9 milliard d’euros (1,6 milliard de livres sterling) alors que Rachel Reeves, première femme ministre des Finances du Royaume, multiplie les nuits blanches pour combler l’ardoise de 26 milliards d’euros abandonnés par l’administration précédente ?

 Le gouvernement travailliste envisage pourtant bien de les transférer aux écoles publiques dans sa volonté de relèvement des services publics. Une décision à saluer et une équation simple qui permettraient l’embauche de 6500 professeurs dans le public, relançant l’attractivité de la fonction et sans doute le niveau général pour plus de 93 % des écoliers restant.

Les conservateurs objectent que de nombreuses familles, pas particulièrement aisées, consentent déjà à de nombreux sacrifices pour y mettre leurs progénitures. C’est incontestable, mais n’est-ce pas prendre le problème à l’envers que de laisser pourrir l’école publique sur pied avec tous les risques sociétaux que cela comporte ? Les grandes démocraties libérales n’ont guère le choix que d’assurer une éducation la plus largement partagée pour les générations à venir. Les récentes émeutes racistes en Angleterre et en Irlande viennent le souligner avec force. L’identité et l’utilité de la gauche au RU sont interrogées au cœur, débarrassée de son démon Jeremy Corbyn.

 Une fois n’est pas coutume, c’est bien de Londres que la bonne question est soulevée alors qu’à l’autre bout du ferry, Pap N’Diaye n’avait guère obtenu mieux qu’une vague promesse sans contrainte de la part de l’enseignement privé pour mieux partager le fardeau des inégalités, mesurées par l’Indice de Positionnement Social (IPS). Une réflexion qui, par-delà les distinctions de modalités, devrait interpeller le cartel des gauches des « froggies ».

Boris Enet