Égypte : en attendant l’offensive israélienne

par Agnès Levallois |  publié le 21/02/2024

Laisser passer, bloquer ou refouler la population palestinienne en fuite… aucune solution n’est la bonne. Dilemme

Agnès Levalllois

De nombreuses rumeurs courent sur la stratégie égyptienne face à l’offensive imminente des forces armées israéliennes contre Rafah, dernier refuge de 1,4 million de déplacés gazaouis. Une ONG, Sinai Foundation for Human Rights a publié un rapport le 14 février dernier, photos à l’appui, montrant la construction d’un mur de béton de 7 mètres de haut, le long de la frontière avec la bande de Gaza entre les terminaux de Rafah et Kerem Shalom.

La construction est confiée à un homme d’affaires proche des forces armées égyptiennes et sous haut contrôle sécuritaire de ces dernières tant le sujet est sensible. Le dilemme qui se pose au Caire est le suivant : soit ouvrir sa frontière et permettre aux Gazaouis qui le souhaitent de partir, soit les contenir sur place dans une zone de sécurité pour éviter qu’ils ne rentrent sur son territoire.

 Officiellement, les autorités égyptiennes démentent l’existence d’un tel projet, car il va dans le sens des intérêts d’Israël qui veut faire partir le plus grand nombre de Palestiniens de l’enclave, position rejetée par une majorité de la population égyptienne. Ce rejet « d’accueillir » les Gazaouis sur le sol égyptien, pour raisons humanitaires, est critiqué par de nombreuses voix tout d’abord en Israël, mais au-delà. Elle repose pourtant sur un constat simple qui est qu’aucune garantie ne sera donnée aux Palestiniens qu’ils pourront rentrer chez eux une fois la guerre terminée. Les réfugiés de 1948 expulsés de leurs terres et qui avaient trouvé refuge à Gaza n’ont jamais pu retrouver leur maison.

C’est ce même spectre qualifié de deuxième Nakba – la catastrophe, nom donné au départ forcé de 700 000 Palestiniens lors de la création de l’État d’Israël en 1948- qui explique l’inconfortable position du Caire qui ne veut pas en être tenue responsable.

Une autre option serait que les Gazaouis repartent vers le Nord de l’enclave, mais les destructions sont d’une telle ampleur que c’est pratiquement impossible.

En dépit des dénégations du gouvernement du président Sissi, des travaux sont bien menés à la frontière pour cantonner les réfugiés et empêcher tout prix qu’ils passent en territoire égyptien. Seule la conclusion d’une trêve entre Israël et le Hamas permettrait d’éloigner les dramatiques conséquences d’une attaque de Rafah.

Mais les dernières déclarations va-t-en-guerre de Netanyahou selon lesquelles ne pas mener d’opération à Rafah reviendrait à « perdre » la guerre laisse à penser qu’elle aura bien lieu et toutes les discussions sur ce que peut ou non faire l’Égypte un moyen de détourner l’attention sur la tragédie à venir.

Vice-présidente de l’iReMMO

Agnès Levallois

Editorialiste Etranger - Vice-présidente de l'IREMO