Trump président ! Le pire est presque sûr
Primaires, ennuis judiciaires, scandales et casseroles… rien ne semble plus arrêter la marche du fol ondulé vers la Maison-Blanche
« Le pire n’est pas toujours sûr », dit le sous-titre du Soulier de satin de Claudel. L’élection américaine se prépare à contredire cet axiome. La Caroline du sud, le Michigan, le Missouri et l’Idaho ont parlé clair : Haley n’est plus en mesure de contrer, fût-ce sur ses terres, l’incoercible galop de son rival. Trump n’inquiète plus ces libre-échangistes qui ne veulent ni voir les USA s’aliéner des marchés extérieurs prospères ni subir une fiscalité de guerre entraînant la constriction de leurs gains. Il ne heurte plus les réactionnaires en quête d’une figure de proue présentable. Il n’est plus, comme en 2016, le porte-voix mal et peu conseillé de la canaille populacière : il est une option pour le cynisme épicier et passéiste bon teint.
Qui peut enrayer cette machine régressive infernale dont l’Europe ne peut s’étonner qu’elle « fasse le travail », puisqu’elle le fait aussi chez elle ? La justice ? Un Trump condamné irait de recours en appels et ne pâtirait pas électoralement de prononcés infamants. D’autant que la Cour Suprême, à sa botte, lui a offert d’examiner son cas…, façon de lui accorder plus de temps qu’il n’en faut.
Biden ? Il ne semble plus en mesure physique ou politique de contrer une poussée viriliste, isolationniste, qui n’est pas que yankee. Un remplaçant ? Il n’aurait pas le temps de renverser la vapeur et devrait mener une campagne contre-nature. Et au reste, quel remplaçant ? Kamala Harris ? Biden l’a étouffée. Newson ? Il est californien. Obama ? « Femme de », femme, femme noire…
Il faut donc, quoi qu’on en ait, mesurer les conséquences d’un succès annoncé. L’élection de Trump signifierait, pour l’Europe, sinon le retrait stratégique immédiat des USA d’un continent qui paie comptant et paie bien, du moins la menace anxiogène de ce retrait, c’est-à-dire l’entrée dans une ère d’investissement lourd de substitution qu’il n’a pas su anticiper. Elle encouragerait en sus ceux qui y promeuvent les valeurs politiques et morales les plus archaïques, Poutine en tête.
En Amérique latine, elle conduirait ici à la radicalisation d’un front antiyankee favorable aux plus abjects des ennemis de la démocratie, et là à la contamination par le trumpisme d’un continent où les Milei et autres Bolsonaro pullulent. Du côté de cette Chine qui obsède Trump, une normalisation favorable aux vues expansionnistes de l’Empire du Milieu et de ses proxys s’opérerait ou, aussi bien, un engrenage caractériel dont les conséquences, notamment en zone pacifique, glacent le sang par anticipation.
Au Moyen-Orient, le tropisme pro-israélien radical de Trump promet un soutien aux faucons de Tel-Aviv dont il n’est pas à exclure, l’Égypte entrant dans la danse, l’Iran agissant à découvert, la Turquie affranchie du double jeu atlantiste et les efforts de conciliation du Qatar, de l’Arabie saoudite ou des Émirats Arabes Unis ayant atteint leurs limites, qu’ils mettent le feu à l’ensemble de la région… En Afrique, un repli des USA ferait évidemment courir le risque d’une dévolution croissante du continent à la Russie et à la Chine dont tout est à craindre…
Oui, Trump sera élu et son élection a de quoi effrayer, l’homme fût-il plus imprévisible que son succès de novembre. Face à ce « fatum » , que faire, sinon cesser d’attendre, en lièvre ébloui, pour poser les fondations d’une Europe maîtresse de son sort ?