Élisabeth Borne, vingt mois en enfer

par Valérie Lecasble |  publié le 09/01/2024

Bon soldat, la Première ministre n’a pas démérité même si elle a dû avaler quelques couleuvres et vécu un calvaire pendant les vingt mois où elle a dû affronter d’éprouvantes batailles à l’Assemblée Nationale

Le Premier ministre français Elisabeth Borne a présenté sa démission du gouvernement, le président français Emmanuel Macron l'a acceptée a annoncé la présidence le 8 janvier 2024 - Photo Ludovic Marin / POOL / AFP

L’histoire retiendra d’Élisabeth Borne qu’elle a été un bon soldat. Courageuse, opiniâtre, volontaire, déterminée, elle a été une Première ministre « à la tâche » comme elle a coutume de dire, impliquée à faire plutôt qu’à faire savoir. Préfète au service de l’État, elle a servi loyalement son chef, Emmanuel Macron, qu’elle ait ou non été d’accord sur le fond avec lui. Au risque parfois de renier ses convictions et d’y perdre une partie de son âme. Venue de la gauche, elle a pourtant fait adopter des réformes de droite en essayant à chaque fois de limiter les dégâts comme lorsqu’elle a obtenu d’abaisser de 65 à 64 ans l’âge légal dans le projet de réforme des retraites.

Pendant les vingt mois où elle a occupé Matignon – la moyenne sous la Vème République est de trente mois –  elle a fait adopter 41 projets de loi, deux réformes emblématiques sur les retraites et l’immigration, mais aussi des textes sur le pouvoir d’achat, le nucléaire ou encore la reconstruction post-émeutes. Soit un nombre incalculable d’heures, de journées, de nuits, à l’Assemblée Nationale dont on n’a retenu que des images d’une Première ministre qui ânonne son texte face à des députés vociférant.

Bénéficiant d’une simple majorité relative, elle a dû à 23 reprises, près d’une fois sur deux, avoir recours au 49.3. Pis, il lui a fallu affronter 31 motions de censure dont l’une d’elles, contre la réforme des retraites, a failli renverser le gouvernement.

Emmanuel Macron décide de la limoger mi-décembre, après la catastrophique motion de rejet de la loi sur l’immigration. Même si c’est elle, in fine, qui sauvera le vote de la loi qu’elle obtient après l’échec cuisant de Gérald Darmanin qui la portait depuis plus d’un an. Si l’on ajoute à cela un climat délétère où le Président de la République a donné le sentiment de ne jamais accorder ni sa confiance ni son empathie à sa Première ministre, on mesure le calvaire vécu.

Et pourtant, elle ne rêvait que… de pouvoir continuer. Dans sa lettre de démission à Emmanuel Macron, elle revendique son bilan : « Je me suis attelée à faire adopter, dans des conditions inédites au Parlement, les textes financiers dont la réforme des retraites, la loi relative à l’immigration et plus de cinquante lois qui répondent aux défis de notre pays ».

Élisabeth Borne n’est pas une immense femme politique, il lui manque le nerf de la guerre : elle ne sait pas communiquer y compris avec ses plus proches collaborateurs qu’elle peine à retenir. Elle ne sait pas non plus parler aux Français, mais la vérité est qu’elle n’en a guère eu l’occasion, submergée qu’elle était par son travail avec les parlementaires.

Certes, elle a fait le travail, mais aujourd’hui avec les élections européennes s’ouvre une nouvelle période très politique où il va falloir aller croiser le fer avec un Jordan Bardella, jeune et combatif, en tête dans les sondages. Élisabeth Borne n’était sans doute pas taillée pour cette bataille -là.    

Valérie Lecasble

Editorialiste politique