Emeutes: l’argent public sent le brûlé

par Gilles Bridier |  publié le 04/07/2023

La première facture des derniers évènements pourrait dépasser un demi-milliard d’euros. Bilan, provisoire, d’une catastrophe économique

Photo Serge Tenani / Hans Lucas

Quelque 5 000 voitures incendiées en cinq nuits du 28 juin au 3 juillet 2023, contre environ 8 900 en 2005, mais… en trois semaines. Cette comparaison est trop parcellaire pour établir des parallèles entre ces deux épisodes de violences urbaines. Toutefois, le bilan économique des évènements de 2005 permet de tenter quelques projections de ce que sera celui de 2023, au regard des dégâts de cinq jours de saccages.

En 2005, la Fédération des assurances avait recensé environ 10 000 sinistres, dont près de 9 000 véhicules incendiés, et évalué à 204 millions d’euros le total des indemnisations versées. Mais il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg.

Selon un rapport parlementaire de deux sur le bilan économique du mouvement des gilets jaunes apparu à l’automne 2018, le total des indemnisations des compagnies d’assurances — 217 millions d’euros — ne représente qu’une « part minoritaire du coût économique des actes de vandalisme ». Cette fois, selon un bilan d’étape des assureurs début juillet, le montant des indemnisations des sinistres déjà déclarés atteindrait au moins 280 millions d’euros.

Certes, d’une séquence à l’autre, les modes opératoires et la temporalité des mouvements sont bien différents, mais les conséquences économiques restent les mêmes : aux dégâts immédiats viennent s’ajouter les pertes de chiffre d’affaires pour les entreprises, les retards de paiement, la mise au chômage technique de salariés, la baisse de la fréquentation touristique, la restauration des matériels et bâtiments publics détruits…

Or, au cours des cinq nuits de saccages fin juin et début juillet, les forces de sécurité ont été confrontées à des violences bien plus dévastatrices et concentrées qu’en 2005. Ce ne sont plus des voitures qui pèsent le plus lourd dans le bilan économique. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a répertorié 15 centres commerciaux intégralement brûlés et 200 enseignes de la grande distribution attaquées et pillées, tout comme 250 débitants de tabac et autant d’agences bancaires. À Roubaix, l’incendie d’un bâtiment abritant une entreprise de dématérialisation de documents prive cinq cents salariés de leur emploi.

Sans parler des milliers de magasins vandalisés sur tout le territoire, comme à Marseille où 400 commerces auraient été pillés. Des dégâts qui ne seront pas tous indemnisés, notamment au titre des pertes d’exploitation, 53 % des commerçants en France n’ayant pas souscrit à la couverture de ce risque auprès des assurances.

Des symboles de l’État comme les mairies, les commissariats de police et les écoles ont également subi les assauts d’émeutiers déterminés, parfois au mortier ou à la voiture bélier, comme à Montargis, à Nantes et à Lille comme à Rouen, Nice ou Angers, et dans la banlieue parisienne, notamment à Pantin, Pontoise, Trappes, L’Haÿ-les-Roses ou Clichy-sous-Bois.

À Asnières, le tribunal a connu un début d’incendie. À Amiens, une médiathèque a connu le même sort. À Aubervilliers, une douzaine d’autobus a brûlé, chacun représentant le prix d’un dizaine de voitures… La liste serait longue et forcément non exhaustive, pour un bilan plus lourd que s’il s’agissait de voitures incendiées.

Aussi, si l’on prend comme base le calcul des assurances pour 2005, en doublant les indemnités versées par ces assurances pour approcher la facture, comme l’établit le rapport parlementaire, on atteint un demi-milliard d’euros. Sans parler des effets à long terme pour la croissance économique, à un an de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris. De son côté, le Medef estime déjà le coût des émeutes à… un milliard d’euros.

Gilles Bridier