Émeutes: l’immigré et le criminel

par Valérie Lecasble |  publié le 09/07/2023

À force de faire l’amalgame entre émeutiers et immigration, la droite, dure, se confond avec l’extrême-droite

Eric Ciotti, président du parti les républicains - Photo Ludovic MARIN / AFP

La France gardera un goût amer des huit jours de violences urbaines qu’elle a dû subir après la mort de Nahel. L’épisode a révélé à quel point il est devenu difficile de vivre ensemble dans un pays qui ne sait plus tracer un destin commun à sa population ni donner de sens pour l’avenir à sa jeunesse. Le recul des idéologies, le recentrage sur soi, la remise en cause de l’autorité et les ratés de l’éducation ont installé une distance voire une défiance vis-à-vis du collectif.

Plus inquiétant : la polémique lancée par l’extrême droite et – c’est inédit – la droite, sur le lien direct entre émeutes et immigration. Chacun a certes le droit de s’interroger sur les raisons qui ont conduit une partie de la population des banlieues françaises à des attaques au mortier contre la police et aux pillages de magasins. Mais personne ne peut accepter qu’une partie de la classe politique s’obstine à en réduire les causes à la seule immigration.

Bruno Retailleau, président des Républicains au Sénat, (donc le représentant d’un parti traditionnel au sein d’ une institution de sages), a été le premier à mettre le feu aux poudres. Sur les émeutiers : « certes, ce sont des Français par leur identité, mais malheureusement pour la deuxième, troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques ». Avant lui, le patron des Républicains, Éric Ciotti , venait de réclamer la déchéance de nationalité française pour les binationaux condamnés en marge des émeutes.

Pourquoi ces déclarations choc, et choquantes, maintenant ? Peut-être parce que les Républicains, pris de panique après le fiasco de leurs prises de position sur les retraites, ont décidé de se rallier derrière l’étendard qu’ils croient le plus populaire : la lutte contre l’immigration.

Une majorité de Français considère désormais qu’il y a trop d’immigrés en France – jusqu’à 48% parmi les électeurs… socialistes. La droite fait donc d’une pierre deux coups : se différencier de la majorité présidentielle et chasser sur les terres du Rassemblement National.

Le danger est qu’à force de dériver vers l’extrême droite, ils finissent par s’y assimiler. Ceux-ci d’ailleurs les applaudissent. Mathieu Bock-Coté – essayiste canadien d’origine extraeuropéenne – connu pour ses thèses conservatrices et nationalistes de défense de l’identité nationale, leur délivre un blanc-seing, dans le Figaro. Et le zemmouriste Pierre Brochand, l’ex-patron de la Direction générale des services extérieurs (DGSE) sous Nicolas Sarkozy, a emboîté le pas, lui qui considère depuis des lustres l’immigration comme responsable de tous les maux français.

Il ne s’agit pas ici de faire l’autruche. Il est vrai qu’une partie de la jeunesse française d’origine étrangère ne se reconnaît plus dans le modèle de l’État français. Concentrés dans des ghettos hors la ville, face aux contrôles incessants de la police, ils n’ont plus qu’une envie : la défier, voire l’affronter. Quant au trafic de drogue en banlieue, il gangrène toutes les relations avec le reste de la société.

Peut-on pour autant tout réduire à l’immigration ? Rien ne sert de fustiger à grands cris les immigrés ou leurs enfants indociles. Le fait est qu’ils sont Français. Et en cinquante ans, la France elle-même a changé. Elle inclut aujourd’hui une diversité qui est aussi devenue sa richesse. Vouloir renier cette réalité ? C’est un peu tard.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique