Macron, la tentation du déni
En refusant de nommer une personnalité politique de gauche à Matignon, le Président de la République ignore le vote des Français.
Donc, au nom de la « stabilité institutionnelle », Emmanuel Macron écarte l’option d’un gouvernement du Nouveau Front Populaire (NFP). Celui-ci, dit-il, « serait immédiatement censuré par l’ensemble des autres groupes représentés à l’Assemblée Nationale ».
Depuis deux jours, le Président de la République semblait déstabilisé. Pour avoir perdu une partie de l’été à se baigner dans les eaux chaudes du Fort de Brégançon, pour avoir attendu la date tardive de la mi-août pour lancer des consultations qu’il aurait dû tenir mi-juillet, il s’est heurté à un stratège plus malin que lui, Jean-Luc Mélenchon. Proposant qu’il n’y ait pas de ministre de La France Insoumise au gouvernement – comme il n’y avait pas eu de ministres communistes lors du Front Populaire de 1936 – le leader de LFI l’a contraint à reconnaître que la présence de LFI au gouvernement n’était pas le seul sujet. C’est bien le programme du Nouveau Front Populaire dont le Président de la République ne veut pas : exit le NFP.
Pourtant l’équation demeure : comment éviter le programme du NFP sans bafouer le vote de dix millions de Français le 7 juillet ? La seule issue serait qu’il nomme une personnalité de gauche en rupture avec le NFP, Bernard Cazeneuve. Présentant toutes les qualités d’un homme d’Etat, l’ancien Premier ministre aurait la capacité de gouverner le pays avec responsabilité, et de fédérer une partie de la gauche et de la droite si elles ne sont pas radicales. La meilleure façon de constituer une coalition capable d’éviter les motions de censure à répétition.
Or le président tergiverse. Son hésitation, assure-t-il, vient de l’attitude des socialistes : Olivier Faure a promis de s’opposer à tout Premier ministre autre que Lucie Castets. Il est vrai que les élections municipales approchant, désunir la gauche est un risque électoral pour les futurs candidats. Mais tous les députés socialistes ne sont pas sur cette ligne et il n’est guère probable que le Premier secrétaire du PS aille jusqu’à censurer un gouvernement dirigé par l’ancien Premier ministre. En reculant sur le NFP, en hésitant sur Bernard Cazeneuve, Emmanuel Macron dévoile son vrai visage, celui d’un président décidé à écarter la gauche, comme il disait naguère, « quoi qu’il en coûte ». Décidément, il est « en même temps » à droite… et à droite.
Guidés par leurs ambitions présidentielles, Laurent Wauquiez et Gabriel Attal ne l’ont jusqu’ici guère aidé. L’un et l’autre affirment que le futur Premier ministre ne proviendra pas de leurs rangs. Vont-ils assouplir leur position maintenant que le NFP est évincé ? Et qui nommer pour donner aux Français le sentiment qu’ils ont été entendus et que les choses vont changer ?
Le plus raisonnable serait de se rabattre sur un gouvernement dit « technique » dont le Premier ministre serait choisi pour ses capacités à redresser la situation économique et financière du pays. Ce pourrait être le président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici ou son prédécesseur Didier Migaud, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ou même un grand patron du public comme Eric Lombard de la Caisse des Dépôts.
Mais depuis la dissolution, Emmanuel Macron a montré son imprévisibilité. Mené par son ego plutôt que par l’intérêt du pays, il nous a habitué à toutes les éventualités. Y compris celle de nommer une personnalité de droite alors que la gauche est arrivée en tête aux élections.