Contre le RN, insurrection en région
Delga, Rousset, Delafosse. Dissolution, danger RN, rééquilibrage à gauche… comment les grands élus territoriaux de la gauche ont-ils vécu le grand bouleversement ?
Ce sont trois élus – Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, Alain Rousset, président de la Nouvelle Aquitaine et Michaël Delafosse, maire de Montpellier, président de la métropole – qui arpentent leur territoire douze mois sur douze. Ils ont à la fois la connaissance de leur terroir, la perception du ressenti de leurs citoyens-électeurs et une vision à long terme.
Tous trois décrivent l’accumulation des ratés d’Emmanuel Macron, sourd à la France profonde : “Il règne un sentiment d’injustice et même d’abandon dans le pays”, assurent Alain Rousset et Carole Delga. Le président n’a jamais apporté de vraies réponses aux graves crises, comme celle des gilets jaunes par exemple. Et Rousset de dénoncer la “centralisation effrénée” de Macron, qui induit la méconnaissance de la souffrance qu’elle soit territoriale, sociale ou économique.
Et puis, quelle est cette France d’en haut qui se fait dicter sa conduite par l’extrême droite ? “Monsieur Bardella demande la dissolution et le soir même le président la met en œuvre”, s’irrite Michaël Delafosse. “Il y a eu dans les bureaux de vote un état de sidération des personnes qui procédaient au dépouillement. Et très vite, un tsunami phénoménal de textos pour dire : trouvez-nous une solution. C’est un réflexe culturel à gauche. Il faut combattre l’extrême droite.”
Cette exigence d’une solution immédiate était d’autant plus forte que “la France était, ainsi, au bord du gouffre”, assure Carole Delga. “La possible arrivée du RN au pouvoir est une très grande inquiétude”, dit Alain Rousset qui ajoute “l’Histoire a montré comment cela se termine”. Carole Delga révèle et accuse : “L’extrême droite dirige quatre villes en Occitanie. Je les ai vues tenter de trier les enfants en fonction de l’origine de leur prénom.”
Michaël Delafosse s’alarme lui aussi : “Éviter la dispersion des voix à gauche est la priorité absolue. On est dans l’urgence démocratique. Rendez-vous compte, le RN va nommer des préfets, des juges, des recteurs, des directeurs d’hôpitaux, le juriste Bruno Gollnisch au Conseil Constitutionnel, privatiser le service public de l’audiovisuel, limiter les libertés syndicales. Bref, il va prendre le contrôle de l’appareil d’État.”
Il faut éteindre l’incendie. Sans pour autant nier les fortes divergences qui subsistent avec LFI à propos de l’antisémitisme et du Hamas par exemple. Dans le domaine des finances, Alain Rousset met un bémol à l’abandon de la réforme des retraites et regrette qu’on ne s’occupe pas assez du chômage des aînés et de la formation des plus jeunes par le tutorat notamment.
De cette “séquence dissolution” inédite et improbable, les trois élus retiennent le rééquilibrage en cours au sein de la gauche. Ils soulignent en chœur la belle campagne de Raphaël Glucksmann. “Il y avait un véritable élan palpable sur les marchés”, assure Carole Delga. Quant aux attaques de LFI, le leader de la liste Place Publique-PS aux Européennes en sort grandi, juge Alain Rousset.
Carole Delga assure que la gauche va apporter “de la fierté à la France” quand Delafosse, lyrique, cite François Hollande “la France donne de l’espoir au monde et, en France, la gauche doit donner de l’espoir aux Français”. Mot d’ordre final : faire barrage à tout prix au RN et donc, s’il le faut, voter sans état d’âme pour le candidat du champ républicain le mieux placé.