En Provence, la vague brune n’a pas tout emporté

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 09/07/2024

Le RN a raflé 17 circonscriptions sur 25, mais les grandes villes et les Hautes-Alpes ont échappé au naufrage…

Les contreforts de la colline menant a la Bonne-Mere du quartier Vauban de Marseille. Esprit village. Photographie par Anne-Sophie NIVAL / Hans Lucas. (Photo by Anne-Sophie NIVAL / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Il était difficile d’être optimiste au soir du premier tour des législatives, tant la vague brune du RN avait déferlé sur toute la Provence en une répétition élargie de ce qui s’était produit lors des élections européennes. Et pourtant, même en cette terre déjà presque conquise par le RN, le Front républicain n’aura pas été vain, au point d’avoir redonné à la gauche une lueur d’espoir aussi inattendue que celle, plus brillante, enregistrée au niveau national.

Si l’on exclut le Var et les Alpes-Maritimes dont les histoires politiques sont différentes, la gauche a recueilli suffisamment de voix dans le reste de la région Sud (Bouches-du-Rhône, Vaucluse et les deux départements alpins) pour échapper au naufrage annoncé. Mais le succès reste néanmoins écrasant pour le RN : sur les 25 circonscriptions en jeu, il en remporte 17 et dans les seules Bouches-du-Rhône, 11 sur 16, soit la majorité absolue qui lui a échappé au niveau national.

Mais au vu des résultats du premier tour et des scores impressionnants, souvent supérieurs à 40 %, réalisés par les candidats du RN, la gauche a évité la submersion totale. Grâce à un impeccable Front Républicain que l’on n’aurait pas imaginé si ferme. Mais le fait est là : quelques îlots ont bien résisté. Les villes et les montagnes, pourrait-on dire.

Les montagnes, en effet car dans les deux circonscriptions des Hautes-Alpes, de façon très surprenante, ce sont deux représentants du NFP qui l’ont emporté, Front Républicain aidant. En revanche, les Alpes de Haute-Provence, moins hautes à franchir, n’ont  pas tenu, le RN ayant emporté les deux sièges à pourvoir. Dans le Vaucluse, la messe était déjà presque dite dès le premier tour. Mais un trublion est venu perturber le grand chelem promis au RN. En Avignon, le jeune militant antifasciste « de rue » Raphaël Arnault a battu assez largement la députée RN sortante, au grand soulagement des artistes et spectateurs du Festival. Mais hormis cette enclave, les quatre autres circonscriptions sont tombées dans l’escarcelle du RN, qui campe désormais sous les murailles de la ville d’Avignon.

Contrairement à la législature précédente, le parti présidentiel a disparu de toute représentation législative dans les Bouches-du Rhône, comme partout ailleurs en Provence,. Ne restaient plus en présence au second tour que le RN et le NFP, à l’exception d’une circonscription, à Aix-en-Provence, où, bravant le Front républicain, la macroniste Anne-Laure Petel a refusé de se désister pour le candidat socialiste. C’est donc le RN qui a emporté cette triangulaire ! Dans l’autre élection aixoise, en revanche, le Front Républicain a joué suffisamment pour permettre à l’universitaire Marc Péna de l’emporter d’une courte tête sur le RN.

Enfin, fidèle à sa réputation rebelle, Marseille, sur laquelle reposaient les minces espoirs de la gauche, n’a pas déçu en donnant au NFP quatre circonscriptions sur sept (trois LFI et un socialiste). En une géographie urbaine étonnante : toutes les circonscriptions ayant accès à la mer et s’étirant du nord au sud ont été conquises par la gauche, toutes les autres, étalées vers l’est selon le même axe ont été remportées par le RN. Désormais la ville n’est plus simplement coupée en deux entre le nord et le sud de la Canebière, elle l’est aussi entre l’est et l’ouest, selon une ligne parallèle au rivage. Comme si les troupes du RN encerclaient la ville et voulaient rejeter la gauche à la mer.

Jean-Paul de Gaudemar

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