Énergies : pétrole pas mort !

par Gilles Bridier |  publié le 23/07/2023

Même si les investissements augmentent dans les énergies renouvelables, l’intérêt persistant pour les hydrocarbures nuit à l’objectif de neutralité carbone

Algerie. Puit de pétrole de la Sonatrach à Hassi Messaoud- Photo J-F ROLLINGER / ONLY WORLD

Cette année, la palme des investissements dans l’énergie ira aux renouvelables, avec un total mondial de 1740 milliards de dollars, indique l’Agence nationale de l’Énergie (AIE). Plus que pour les énergies fossiles, auxquelles seront alloués 1050 milliards de dollars.

Le récent investissement de 12,6 milliards d’euros consentis par BP et TotalEnergies pour la construction de quatre parcs éoliens en Mer du Nord et en Baltique au bénéfice de l’Allemagne, s’inscrit dans cette dynamique.

Pourtant au niveau mondial, pour lutter contre le réchauffement climatique, le compte n’y est pas. Car même si leur part dans le mix énergétique a baissé, le pétrole et le charbon représentent encore 60 % du total des consommations primaires, auxquelles il convient d’ajouter le gaz naturel pour plus de 20 %.

Ainsi, les fossiles composent toujours les quatre cinquièmes du panier mondial d’énergies, alors que les renouvelables, l’hydroélectricité et le nucléaire ensemble n’en assurent encore qu’à peine 20 %.

Même si les arbitrages apparaissent aujourd’hui plus favorables aux énergies non émettrices de CO2, on assiste en même temps à un regain d’intérêt pour les hydrocarbures et le charbon. Paradoxe ? Pas vraiment.

En 2020, sous l’effet de la crise du covid, les investissements consacrés aux énergies fossiles avaient chuté drastiquement de 21 % en un an. Mais depuis, les fossiles reprennent du poil de la bête : 9 % de plus en 202 et en 2022, et 5 % de plus en 2023. Ce qui, alerte l’AIE, éloigne la planète de la trajectoire de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Serait-ce la perspective d’un pic de la demande mondiale de pétrole d’ici à 2030 qui inciterait les compagnies pétrolières à acquérir des capacités qui leur permettront de conforter leurs positions lorsque le marché sera moins porteur pour elles ?

Ou bien anticipent-elles que le retournement du marché sera plus lent que ne devrait l’imposer la lutte contre le réchauffement climatique ?

Ou encore sont-elles alléchées par les prix du baril, à l’origine du doublement du bénéfice cumulé des majors en 2022 sur fond de guerre en Ukraine ?

Alors que les retours sur investissement des renouvelables sont moins intéressants, il y a pour les actionnaires un effet d’aubaine.

Si on y ajoute la politique pétrolière menée par l’OPEP avec l’Arabie saoudite qui a annoncé réduire sa production pour soutenir le prix du baril, le dialogue qui se noue entre Riyad, gros producteur et Pékin, gros consommateur, le contournement par Moscou des sanctions contre ses exportations d’hydrocarbures avec le soutien de l’Inde qui en profite pour s’approvisionner à bon compte… Pétrole pas mort !

Gilles Bridier