Éric Coquerel, le pouvoir de dire non
Président de la Commission des Finances à l’Assemblée nationale et député LFI de Seine-Saint-Denis, Éric Coquerel porte deux casquettes. Décisif pour la proposition de loi LIOT qui veut abroger la retraite à 64 ans le 8 juin
Le gouvernement a sorti un nouveau lapin de son chapeau de prestidigitateur. Vous aimiez le 47-1 – qui a permis à la majorité présidentielle d’expédier en quelques semaines la discussion à l’Assemblée nationale sur le projet de loi sur les retraites ? Vous avez adoré le 49-3 – qui l’a fait passer en force en quelques heures ? Voici, cher public, l’article 40 de la Constitution !
Qu’est-ce ? Une martingale pour tenter d’éviter un nouveau vote le 8 juin à l’initiative du groupe indépendant LIOT dont l’objectif, cette fois … est d’abroger l’âge légal à 64 ans. Étonnant, non ?
Pour ne pas y perdre son latin, résumons. Ce nouvel article stipule que toute proposition de loi émanant de la « niche parlementaire » d’un parti minoritaire ne peut grever de façon significative le budget de l’État. Or, celle que proposera LIOT ce jour-là et qui a toutes les chances d’être adoptée, conduit sur le papier à une hausse de 15 milliards d’euros des dépenses de l’État….
Calcul élémentaire, mon cher Watson, voici une proposition de loi née… caduque. Sauf que les seules personnes habilitées à brandir cette arme de l’article 40 sont la Présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet qui s’y refuse puisqu’elle a déjà avalisé le projet. Et le Président de la Commission des Finances, Éric Coquerel, garant des deniers de l’État.
Pour sûr, un LR comme son prédécesseur Éric Woerth y aurait eu recours sans coup férir. Pas lui..
Car Éric Coquerel, n’est pas LR. Pire, il est député La France Insoumise (LFI) de Seine-Saint -Denis. L’aboutissement d’un long parcours politique. Jeunesse anarchiste, trotskiste et marxiste, il s’engage en politique d’abord à la Ligue Communiste révolutionnaire (LCR) puis aux côtés de Jean-Pierre Chevènement avant sa rencontre en 2004 avec Jean-Luc Mélenchon. Ces deux-là s’entendent comme larrons en foire et ne se quittent plus.
Intelligent et discret, Éric Coquerel gravit une à une les marches du pouvoir. D’abord simple conseiller général d’Île-de-France, il est élu la première fois député LFI de Seine-Saint-Denis en 2017 puis réélu haut la main en 2022.
La Nupes s’impose alors comme le premier groupe d’opposition et LFI comme le parti de tête. Une question agite le landernau : qui occupera le poste stratégique de Président de la Commission des Finances, celui qui examine, entérine ou égratigne le budget de l’État ?
Mélenchon tranche : ce sera Coquerel, réputé pour sa compétence économique et budgétaire.
Ce féru de voile s’installe à la barre. Avec deux grands-pères ouvriers et une mère employée de bureau, des cours d’histoire le soir à la Sorbonne, Éric Coquerel a gardé son âme de militant voué à réparer les injustices. La réforme des retraites en est une. Qu’on ne lui demande pas d’être celui qui bloquera son abrogation.
Dès sa nomination en juin dernier, il avait affiché la couleur : « la Commission des Finances, c’est un contre-pouvoir de taille par rapport à l’exécutif. Cela n’a pas été le cas au cours des cinq dernières années et là, cela va se voir ! ».
Né en 1958, à 64 ans – un signe ? – on ne se refait pas.