Éric Dupond-Moretti : Les leçons d’une relaxe
Le verdict du procès du ministre de la Justice provoque des réactions divergentes au sein de notre journal. Après l’éditorial de Laurent Joffrin, voici un article de Valérie Lecasble qui ne va pas du tout dans le même sens. Un peu de débat ne nuit pas…
La relaxe d’Eric Dupond Moretti restera dans les annales de la Cour de Justice de la République (CJR) comme ayant une portée symbolique à plusieurs titres.
Certes, cette cour très particulière qui juge les hautes autorités de la République, est connue pour l’indulgence de ses délibérés : jamais, elle n’a prononcé de peine de prison ferme à l’encontre d’aucune personnalité. Il n’était ainsi guère probable qu’elle réponde favorablement au réquisitoire contre le ministre, d’une année de prison avec sursis. Dans le contexte, La France Insoumise a beau jeu de réclamer sa suppression.
Cela n’empêche que la relaxe dont a bénéficié Éric Dupond-Moretti apparaît comme une victoire pour le Garde des Sceaux et comme un désaveu pour les magistrats. Même si dans son jugement alambiqué, la CJR reconnaît qu’il y avait bien une situation « objective » de conflit d’intérêts, elle précise qu’« à aucun moment » l’attention du ministre n’a été « attirée » , il « n’a pas exprimé d’animosité, de mépris ou de désir de vengeance ».
Premier à être jugé comme ministre en exercice, l’avocat sauve en premier lieu son poste ainsi que l’a annoncé Elisabeth Borne alors qu’il était symboliquement reçu par le Président de la République, trop heureux de montrer qu’il a eu raison de soutenir son poulain en pleine tempête judiciaire.
Ensuite, il consacre la bataille remportée par l’avocat face aux juges. C’est en effet à la requête de trois syndicats de magistrats que s’est tenu ce procès pour prise illégale d’intérêts auquel a cherché à échapper Éric Dupond-Moretti soupçonné d’avoir profité de ses fonctions pour régler ses comptes avec quatre magistrats qui étaient dans sa ligne de mire lorsqu’il était avocat.
Depuis sa nomination comme garde des Sceaux, la guerre s’est exacerbée, les juges n’appréciant guère la nomination d’un avocat à ce poste. Ainsi, la convocation d’Éric Dupond-Moretti devant la CJR a pu donner le sentiment d’un acharnement.
Enfin, cette relaxe paraît donner raison à Emmanuel Macron qui a décidé de s’exonérer des mises en examen de ses ministres contrairement à ce qui s’était passé au début de son quinquennat quand François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard avaient dû démissionner avant même d’être officiellement inquiétés dans l’affaire des emplois fictifs du Modem. Désormais, le Président de la République portera comme un trophée d’avoir refusé de céder à la pression des juges qui voulaient faire tomber le ministre qu’il a choisi.
La morale de l’histoire a été dite par Jacqueline Laffont, l’avocate du Garde Sceaux. « C’est la victoire du droit, de la présomption d’innocence et la victoire quelque part aussi, de la séparation des pouvoirs. C’est la victoire d’un homme non pas contre une institution… C’est peut-être, je l’espère et nous l’appelons de nos vœux, le temps de la concorde retrouvée dans la famille judiciaire ».