Espagne : Plus qu’une victoire de la droite, une gifle pour la gauche

par Yoann Taieb |  publié le 29/05/2023

Les résultats des élections municipales et régionales sont clairs : la droite espagnole semble s’être ouvert une voie royale pour revenir au pouvoir lors des législatives anticipées en juillet prochain

Le Parti Populaire, droite, célèbre son succès aux élections - Photo JAVIER SORIANO / AFP

Victoire nette et sans bavure pour l’opposition : 31 % pour la droite contre 28 % pour la gauche, qui perd seulement un point par rapport à 2019. Le parti populaire, tendance centre-droit, emmené par Alberto Nunez Feijoo, vient de gagner six des dix régions tenues par les socialistes. La droite l’emporte tant en nombre de voix qu’au nombre de conseillers élus.

Madrid, bastion de la droite, est consolidée. Valence, place forte de la gauche, un symbole, tombe. Et des régions réputées injouables pour la droite sont désormais dans son camp : les Baléares, l’Aragon ou l’Estrémadure, Saragosse, Valladolid et Séville.

Cette claque pour les socialistes augure d’un futur incertain. Ne leur restent que trois régions, peau de chagrin. Certes, les sondages étaient pessimistes, mais de là à penser que la gauche subirait une telle défaite et dans l’ensemble de la péninsule….

L’autre parti qui sort renforcé de cette élection est VOX, reconnu comme un parti d’extrême droite. Il a récolté 1,5 million de voix, quasiment 8 %, et double, ainsi, son score par rapport aux anciennes élections. VOX devient donc un acteur clé des futures coalitions des gouvernements régionaux, avec lequel la droite sera obligée de s’accorder si elle veut gouverner en paix.

Quelle est la raison d’une telle bérézina à gauche ?
Son bilan ? Non, son leader, Pedro Sànchez, partait avec des arguments solides : une croissance de 5,5 % en 2022, la hausse du salaire minimum de plus de 47 % depuis 2018, une série de mesures pour lutter contre l’inflation galopante, des actions en faveur de l’amélioration de l’accès au logement, la gestion de la crise Covid… cela ne ressemble pas à une déroute économique !

Alors, comment expliquer une défaite aussi nette ? D’abord, un sentiment de lassitude en Espagne, après 5 ans de pouvoir socialiste, où la pratique cherche à renouveler le paysage dont les têtes tombent fréquemment lors des élections. « Sortez les sortants », disait Jean-Luc Mélenchon.

Enfin, d’autres raisons, plus politiques, peuvent expliquer cette défaite de la gauche. L’opinion publique espagnole semble avoir été heurtée par des épisodes récents. Citons une loi sur le consentement sexuel mal expliquée et mal fagotée qui a mené à l’allégement des peines de délinquants sexuels notoires.

Ou la loi sur l’autodétermination du genre qui a divisé les mouvements féministes. Et encore, les grâces et les réformes concernant le délit de sédition et le soutien de la formation séparatiste basque, Bildu. Celle-ci a soutenu le budget annuel de Sanchez qui a inscrit sur ses listes électorales 44 anciens membres de l’ETA, dont 7… auteurs de crimes de sang.

Bref, réformer la société, oui, mais à condition de savoir le faire. Résultat : après les dernières élections, la course aux législatives – anticipées – peut commencer. Pronostic : un probable changement de gouvernement, de Premier ministre. Diagnostic : une confirmation de la tendance à la droitisation en cours dans de nombreux pays d’Europe.

Yoann Taieb