Et l’Ukraine ?

par Laurent Joffrin |  publié le 17/04/2024

Solidarité légitime et immédiate avec Israël visé par les missiles iraniens, mais retards incessants dans l’aide à l’Ukraine, bombardée depuis des mois et privée de munitions. Où est la logique ?

Laurent Joffrin

Il a raison d’être amer, Volodymyr Zelensky. L’Iran expédie une énorme salve de drones et de missiles sur Israël. Fort heureusement, l’assaut est pratiquement neutralisé, non seulement par le « Dôme de fer » israélien, d’une rare efficacité, mais aussi par le concours minutieusement organisé des alliés de l’État hébreu, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, auxquels s’est jointe la Jordanie. Après une nuit d’angoisse terrible, la population israélienne en sort indemne : succès remarquable.

Or, cette épreuve terrible, la peur de ces bombes volantes qui frappent indistinctement les installations militaires et les civils, c’est celle que vivent pratiquement tous les jours les Ukrainiens depuis le début de la guerre, mais sans « dôme de fer » et avec une défense aérienne aussi perméable qu’un filet sans mailles. Manque de radars, manque de missiles anti-missiles, manque d’avions, manque de munitions en général : le gouvernement Zelensky se bat depuis des mois avec une main attachée dans le dos. Pourquoi ? Parce que ses alliés, en dépit de leur incontestable engagement, ne lui fournissent pas le matériel nécessaire, au premier chef les États-Unis, où les élus républicains, traîtres à la démocratie, bloquent l’aide financière que Joe Biden souhaite fait parvenir à l’Ukraine.

Envie

Certes il est impossible, pour des raisons techniques et géographiques, de déployer autour de l’Ukraine la même protection qu’en Israël, pays dix fois plus petit, dont l’ennemi se trouve à quelque 1 000 kilomètres, ce qui laisse à la défense le temps de s’organiser. Mais qui peut empêcher les Ukrainiens de regarder avec envie la solidarité instantanée manifestée par les grandes démocraties envers leur allié au Moyen-Orient, quand celle-ci prend un retard si dangereux envers leur pays ?

Ce qui pose une question plus générale, et plus gênante. En prolongeant indéfiniment la guerre de Gaza, le gouvernement Netanyahou agite sans cesse une torche dans la poudrière moyen-orientale. Il oblige les démocraties à gérer deux fronts de guerre en même temps, ce qui risque maintenant d’être fatal à l’Ukraine, dont les troupes privées de cartouches commencent à fléchir devant l’assaut russe. Alors même que leur intérêt stratégique – celui de l’Europe en tout cas – est d’abord de contrer l’offensive russe au cœur du continent, là où se joue directement la sécurité de l’Union.

Il est temps que les gouvernements européens se concentrent à nouveau sur leur priorité : faire pièce aux ambitions mortifères de Vladimir Poutine, quitte à expliquer clairement à Benyamin Netanyahou que les dizaines de milliers de morts infligés à la population de Gaza et la destruction de la moitié de la ville, outre ce bilan humain effrayant, constituent une punition suffisante pour l’agression barbare du 7 octobre.

Laurent Joffrin