Et si l’éclaircie venait d’Occitanie ?

par Boris Enet |  publié le 27/09/2024

La social-démocratie française au grand complet se réunit ce week-end à l’invitation de Carole Delga. Saura-t-elle en profiter pour s’organiser et changer la donne à gauche ?

Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, lors de son discours durant les « Rencontres de la Gauche » à Bram dans l'Aude. (Photo by Idriss Bigou-Gilles / Hans Lucas via AFP)

Samedi, tout ce que compte la gauche de gouvernement antipopuliste se retrouve à Bram pour la quatrième édition des « Rencontres de la Gauche ». Pendant 24 heures, ce modeste village audois organise tables rondes et débats sous pavillon social-démocrate, à l’invitation de Carole Delga, présidente de la région Occitanie.

Glucksmann, Hollande, Letta, Tubiana, Delafosse, Bouamrane, Guedj, Geoffroy, Mayer Rossignol célèbreront les retrouvailles, offrant une coloration singulière à ce qui devient un événement politique. Bifurcation écologique et justice sociale, réconciliation des villes et des campagnes, laïcité et lutte contre les discriminations ou bataille sur les salaires et sérieux budgétaire sont autant de thèmes à discuter pour cette gauche malmenée par l’interminable parenthèse populiste ouverte en 2022.

Le succès d’estime remporté par le PS et la place de leader à gauche retrouvée à l’occasion des Européennes ont changé la donne. Désormais, l’échec de la stratégie du NFP sous inluence insoumise questionne au-delà des convaincus. On peut toujours se satisfaire du rééquilibrage des députés de gauche au détriment de la rentable formation de Chikirou. Reste la question qui fâche : pour quoi faire ? Si c’est pour accompagner à contrecoeur une procédure de destitution qui fait sourire jusque dans les amphithéâtres de droit de première année, à quoi bon ? Face l’outrance LFI, la gauche de gouvernement possède des intuitions, conserve des réflexes et des principes. Mais elle n’assume pas, à ce jour, la rupture avec la nébuleuse populiste dont les provocations n’ont d’autre effet que de renforcer le plafond de verre qu’elle a construit pour elle et ceux qui lui font allégeance.

Cette gauche de gouvernement redoute sans doute le grand saut, consistant à passer aux travaux pratiques d’une maison des gauches alternative au mélenchonisme. Entre les oppositions internes désormais unies au PS en quête d’un congrès et les orphelins d’une social-démocratie disséminés en clubs et conventions, les talents existent et l’espace politique est grand ouvert. À la condition, toutefois, d’afficher une ambition collective et de jouer la partition en mesure, sans même évoquer le nom du chef d’orchestre.

A l’instar de la gauche américaine, représentée à Bram par la présidente de Démocrates de Harvard, la gauche européenne et républicaine doit trouver les moyens de son renouveau face aux errements de la radicalité. Si elle ne l’affronte pas résolument à la manière de Kamala Harris dans sa campagne éclair, elle restera cantonnée aux marges, durablement éloignée des responsabilités. C’est une des leçons de la dernière séquence française, lorsqu’elle a dû choisir entre « le programme, rien que le programme » de l’éternel candidat Mélenchon et l’espoir d’envoyer un Cazeneuve à Matignon pour bâtir une coalition.

A ne pas assez s’affirmer, à ne pas suffisamment expliquer les conséquences politiques funestes du positionnement initial, à ne pas envisager d’organiser concrètement le pôle d’une gauche républicaine, elle court le risque de ne pas assumer sa tâche historique, au moment où ses concurrents suscitent le rejet. Le cuisant échec des récentes manifestations insoumises, l’impopularité croissante de Mélenchon, l’écroulement électoral de plusieurs formations de la gauche radicale européenne, rappellent que la social-démocratie souvent moquée reste une force décisive. Dans ce fief de la gauche laïque et universaliste, Bram peut lancer son indispensable rénovation.

Boris Enet