Et vogue le navire de l’école, sans cap ni boussole

par Boris Enet |  publié le 19/07/2024

Les réformes se sont enchaînées sans effet, les chantiers sont tous à l’arrêt. L’école demeure bien l’enfant malade de la République.

Deux élèves en uniforme scolaire assistent à un cours donné par un de leurs professeurs en toge, le 24 août 2004, dans l'enceinte du Collège International Catholique de Chavagnes-en-Paillers - Photo FRANK PERRY / AFP

Une année écoulée et le choc d’attractivité n’a pas eu lieu. Les résultats aux concours indiquent la même constante, indépendamment du gouvernail maintes fois renouvelé : qui, désormais, pour devenir enseignant ? L’amélioration salariale des débuts de carrière, bienvenue, ne résout pas la question de la progressivité des émoluments, restée bien terne ni même la possibilité de bifurcations professionnelles, attendue par les plus jeunes.

Aucun chantier sérieux n’a été envisagé ni sur l’évolution du statut, ni sur les mobilités, ni sur la pénibilité et les conditions d’exercice. Bien sûr, les résultats aux examens cumulent les scores soviétiques, mais plus personne n’est dupe d’un niveau en recul. Les réformes se sont enchaînées sans convaincre au collège, avec un projet de groupes de niveaux devenu cacophonique, imposé par un futur ex-Premier ministre, défendu par une ministre des Sports de passage et repris par une future ex-ministre de l’Éducation héritant du dossier.

Flottement

Dans ce contexte, les conditions de préparation de la rentrée 2024 sont bien souvent déroutantes avec des enseignants tardivement nommés, des compléments de service fréquents qui ne permettent pas aux équipes de se projeter sur un établissement, un recours massif à des personnels contractuels pas toujours formés et un sentiment partagé de flottement institutionnel. Car, la situation politique instable et durable que connait le pays n’est pas sans conséquence pour les grands ministères. À l’exception prioritaire de la lutte contre le harcèlement scolaire, à verser au crédit de Gabriel Attal, et le dédoublement réussi à l’école primaire pour progresser en lecture – volonté présidentielle -, plus grand monde ne se hasarderait à fixer un cap pour les semaines et les mois à venir dans cette vieille maison, à commencer par le nom et l’incarnation du capitaine.

Devant la lassitude des personnels de direction, le ministère laisse d’ailleurs le choix sur la possibilité de procéder aux évaluations nationales de 5e et de 3e, prévues à la rentrée. À la charge de chaque établissement de s’y soumettre ou pas, dans la même veine que la réforme des groupes de soutien, appliquée selon le projet initial (groupes de niveaux) ou aménagée devant la fronde constatée du CSE (Conseil Supérieur de l’Éducation) jusqu’à l’unanimité des organisations professionnelles.  

Ainsi va l’éducation nationale : la désobéissance ne s’affiche pas, mais la pagaille institutionnelle et la multiplication de priorités devenues kafkaïennes autorisent l’aménagement de marges, pourvu que le ronronnement du navire ne s’interrompe pas. À se demander si la dernière grande réussite issue du ministère ne se nommerait pas Parcoursup, une plate-forme relativement efficiente, capable d’orienter près de 730 000 lycéens vers le supérieur chaque année et d’intégrer des progrès annuels. Et dire que le programme des gauches, sous la dictée de LFI, envisageait de le supprimer purement et simplement sans expliquer par quoi le remplacer… Il y aurait pourtant tant à faire et proposer, plutôt que d’abonder dans la démagogie.

Boris Enet