Etats-Unis : l’éternel conflit migratoire

par Pierre Feydel |  publié le 16/12/2023

L’immigration a fait les États-Unis. Pendant quelque 250 ans, les Américains ont eu sur le sujet tous les débats qui nous animent aujourd’hui. Pour autant, rien n’est vraiment résolu. Comme chez nous

Une famille mexicaine traverse le le Rio Bravo pour entrer illégalement aux Etats-Unis depuis la ville frontalière de Piedras Negras, dans l'Etat de Coahuila, au Mexique- Photo OMAR TORRES / AFP

Les États-Unis d’Amérique se sont créés et développés grâce à l’immigration. Un État nation fait de vagues successives de représentants de peuples venus du monde entier. Au détriment des Indiens victimes d’un véritable génocide et avec l’apport de la main d’oeuvre gratuite des Noirs, immigrants forcés. En plus de deux siècles, les États unis ont eu largement le temps d’affronter tous les problèmes concernant l’immigration de masse.

À peu près les mêmes que ceux que l’Europe, la France affrontent aujourd’hui. Des lois non écrites se sont dégagées comme celle, par exemple, qui veut que les premiers arrivés veulent toujours s’imposer aux nouveaux arrivants, voire les rejeter. Ainsi les white anglo-saxons protestants (wasp) qui ont créé les états de la Nouvelle-Angleterre se sont considérés comme l’élite dominante.

En 1790, quatorze ans après la déclaration d’indépendance, il y a trois millions d’Américains : 61 % d’Anglais, 8 % d’Écossais, 10 % d’Irlandais, 8 % d’Allemands, 3 % de Hollandais, 2 % de Français et 1 % de Suédois. Mais déjà Benjamin Franklin, savant, diplomate, qui sera un des pères fondateurs de la jeune République s’est alarmé. Dès 1751 il s’en est pris aux petits fermiers allemands de Pennsylvanie qu’il accuse de corrompre la pure identité anglo-saxonne des colonies.

De 1820 à 1880, 10 millions d’Européens traversent l’Atlantique. Dans un premier temps, Britanniques ,Anglais et Allemands sont largement majoritaires. Puis, arrivent Italiens, Scandinaves et enfin, Chinois touchés chez eux par la famine. Le Congrès tente de contrôler cet afflux. Les partisans de la restriction drastique de l’immigration s’appuient entre autres sur l’émergence des théories de ceux qui craignent une pollution de la « souche » américaine par des « races » de moindre qualité. Mais l’Américain de souche existe-t-il ?

La déferlante continue dans les décennies qui suivent. D’ailleurs les patrons ne veulent pas de restriction à l’immigration, ils ont besoin de main d’œuvre, comme en Europe, comme en France aujourd’hui. Austo-Hongrois, Russes, Polonais constituent 50 % de la main-d’œuvre du BTP. La crise de 29 et la dépression qui suit calment le jeu.

En 1932, le candidat républicain Herbert Hoover considère que la démocratie progresse dans le monde…

Donc, selon ce « visionnaire », les États-Unis n’ont plus de raison de servir d’asile aux persécutés politiques. Hélas, Hitler est nommé chancelier du Reich allemand au début de l’année suivante… Puis Staline après la Seconde Guerre mondiale occupe l’Europe de l’Est. Au XXe siècle, les totalitarismes vont envoyer des flots de réfugiés aux États-Unis. La politique de quotas, un temps instaurée, est abrogée. 

Elle n’a plus grand sens, lorsque que l’immigration illégale de centaines de milliers de Mexicains est devenue nécessaire à la croissance économiquedans les années 60. Aujourd’hui, il y a environ 52 millions d’immigrés légaux ou pas aux États unis, près de 17 % de la population. Les présidents Bush et Obama choisissent de jouer la régularisation des « sans-papiers ». Comme nos propres dirigeants. Jusqu’à ce que Trump décide : « notre pays est complet. »

Joe Biden a tenté de gardé bas le niveau d’immigration tout en en trouvant la porte que l’opposition républicaine veut à tout prix refermer. En France, le gouvernement souhaite contrôler l’immigration légale tout en réduisant l’illégale. Son opposition de droite exige beaucoup plus de fermeté. Celle de gauche plus de liberté. Des deux côtés de l’Atlantique, mêmes blocages.

D’autant qu’aucune barrière juridique ou physique ne peut empêcher des populations de chercher leur salut dans cet Occident détesté où la vie est tellement meilleure.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire