Europe de la défense : l’Ukraine ne peut pas attendre

par Pierre Benoit |  publié le 28/03/2025

Quoique spectaculaire, la conférence tenue à Paris pour le soutien à l’Ukraine a accouché d’une souris. Ce qui sert parfaitement les plans de Poutine.

Keir Starmer, premier ministre du Royaume-Uni, Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine, à l'issue de la réunion sommet pour « coalition of the willing » (coalition des volontaires), sur la paix et la sécurité pour l'Ukraine, dans la cour d'honneur de l'Elysée, le 27 mars 2025. (Photo Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP)

« Beaucoup de questions, peu de réponses ». En une phrase, Volodymyr Zelenski a exprimé son impatience après le sommet de Paris des « pays volontaires » pour accompagner un cessez-le-feu en Ukraine, dont les résultats sont dramatiquement minces.

Comme il le fait depuis décembre, Emmanuel Macron a plaidé une fois de plus pour mettre en place une opération européenne visant à bloquer toute velléité russe de reprendre les combats. Mais le président français a dû reconnaître que son initiative « ne faisait pas l’unanimité ».

La veille encore la réunion s’annonçait sous de meilleurs auspices avec un nombre record de délégations. Après une première réunion en février à Paris avec sept dirigeants européens, une seconde à Londres avec une vingtaine de participants, cette troisième rencontre avec 31 délégations pouvait clôturer ce cycle préparatoire avec la formation du premier bloc des « pays volontaires » pour s’engager au côté de Kiev.

Français et Britanniques qui portent cette initiative « de force de réassurance » depuis le début sont disponibles pour y participer. L’Irlande, le Canada, l’Australie, la Turquie et la République Tchèque aussi. Deux pays frontaliers clefs comme la Suède et la Finlande sont réticents pour ne pas dégarnir leur propre défense, leur apport pouvant se limiter à fournir du renseignement. L’Allemagne n’imagine pas de fournir des soldats pour l’Ukraine, l’Espagne et l’Italie non plus, du moins pour l’instant.

Il faut dire qu’en l’absence de garanties américaines pour sécuriser un accord de paix, la question du profil de cette force est des plus délicates. Le premier ministre anglais, Keir Starmer, évite même de parler de troupes au sol, évoquant d’avantage une couverture aérienne et des navires de combat pour sécuriser un éventuel cessez-le-feu.

Aussitôt, Vladimir Poutine s’est engouffré dans la brèche. Jeudi soir, il a proposé d’ouvrir des discussions avec Washington et les Européens pour que les Nations-Unies mettent en place une administration provisoire de l’Ukraine. Le maître du Kremlin a précisé : « Pour faire quoi ? Pour organiser une élection présidentielle démocratique qui se solderait par l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement compétent qui aurait la confiance du peuple ». Pour lui, rien de possible avec Zelensky au pouvoir.

On savait que les pourparlers de Riyad n’étaient qu’une mascarade. Ils n’ont pas même débouché sur un cessez-le-feu d’un mois rétablissant la liberté de circulation en mer Noire, puisque Poutine a rajouté in extremis de nouvelles conditions comme la levée des sanctions financières contre la Russie.

Depuis le lynchage médiatique de Zelensky à la maison blanche, le maître du Kremlin est sorti du bois. Après le coup de main de l’équipe Trump pour déstabiliser le président ukrainien, il a saboté l’idée d’un cessez le feu provisoire dont il n’a rien à faire. Il essaye de gagner du temps pour consolider un rapport de force en sa faveur. La coalition des pays qui soutiennent l’Ukraine n’est pas sans contradiction mais elle s’est mise en branle.

Trump qui, pendant sa campagne, prétendait résoudre la crise Ukrainienne en 24 heures, devra patienter. Il n’a rien obtenu d’essentiel de Moscou. Aux yeux des Russes, Zelensky est l’homme à abattre et Washington ne bougera pas pour le sauver. Les 31 pays réunis à Paris sont tous des alliés des Américains, mais l’oncle Sam a disparu. Un moment de « bascule géopolitique ».

En l’absence de États-Unis, la « coalition des volontaires » pour l’Ukraine dessine une sorte d’OTAN soft, dont Paris et Londres seraient les chefs de file potentiels. Imaginer la suite est une autre affaire. Sans accord de paix, le projet d’une sécurisation par une coalition de pays volontaires ne dépassera l’étape des conférences diplomatiques en cours. L’Europe restera exclue des négociations. Sauf à déployer des moyens sur le terrain et dans les airs à la demande des Ukrainiens, au risque d’entrer pour de bon dans la guerre. L’entre-deux risque de se prolonger trop longtemps …

Pierre Benoit