Europe-États-Unis : Christine baisse la garde

par Bernard Attali |  publié le 29/11/2024

Il est rare de gagner une bataille en déclarant d’emblée qu’on n’a aucune envie de la livrer. C’est pourtant ce que vient de faire Christine Lagarde, présidente de la BCE.

La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde. Portrait. (Photo de Kirill KUDRYAVTSEV / AFP)

Nous sommes à la veille d’une guerre commerciale. Le Président Trump nous l’a dit sans détours : il va relever brutalement les taxes à l’importation aux Etats-Unis. En réponse, madame Lagarde vient d’accorder un entretien au Financial Times où elle suggère de ne pas réagir au protectionnisme qui vient, mais d’accroître nos achats d’armes et de gaz aux USA. Comme si nos objectifs de décarbonisation nous autorisaient à promouvoir le gaz de schiste américain. Et comme si l’Europe n’était pas déjà très dépendante de l’industrie américaine de défense… Pour résumer, au moment où l’Europe va subir un énorme choc de compétitivité avec la guerre douanière (et la dérèglementation américaine) qui s’annoncent, la présidente de la BCE nous incite… à céder au chantage.

Et la présidente de la Commission regarde ailleurs, sans que personne ne revienne aux principes qui régissent le commerce international à ce jour. Certes on peut critiquer l’Organisation mondiale du commerce d’avoir jadis fait preuve d’une immense naïveté à l’égard de la Chine. Est-ce une raison pour doubler cette erreur d’une capitulation à l’égard des grandes manœuvres américaines ? L’OMC prévoit des sanctions pour qui ne respecte pas ses règles. Pourquoi dire d’emblée qu’on n’y aura pas recours ? Tous les économistes sérieux savent les effets dévastateurs que l’agressivité douanière du nouveau président américain va déclencher, notamment en matière d’inflation.

Nous devons d’urgence corriger le déséquilibre structurel des balances commerciales de part et d’autre de l’Atlantique. La vraie réponse n’est pas de se coucher. Elle consiste à se faire respecter et à relancer en parallèle la demande intérieure de la zone euro. Madame Lagarde ne serait-elle pas plus légitime à accélérer une baisse du taux d’intérêt de son institution, seule capable de redonner de l’oxygène à nos entreprises au moment où l’inflation est réduite et où une dépression s’annonce partout en Europe ? C’est ce que se préparent à faire les banques centrales en Asie. Serait-on moins intelligent à Francfort qu’à Séoul ?

Bernard Attali

Editorialiste