Europe : le retour des vieux démons

par Bernard Attali |  publié le 04/10/2023

La victoire de Robert Fico, nationaliste pro russe en Slovaquie, retentit comme le fameux « coup de pistolet dans un concert » de Stendhal. Étrange surgissement de l’extrême droite au centre même de l’Europe

Certes, en Hongrie et en Pologne, montaient déjà des idées qui n’ont rien à voir avec les valeurs de l’Union européenne. Mais de là à voir le slovaque Robert Fico, grand vainqueur des législatives du 30 septembre dernier, un allié de Poutine, à la table du Conseil européen…

Regardons en face le nouvel homme fort à Bratislava : un extrémiste, anti-Ukraine, anti-UE, anti-OTAN, anti-migrants, anti-LGBT, qui plus est avec des antécédents mafieux. Jusqu’où ira cette dérive ?

Plus globalement, comment ne pas voir les menaces qui, partout, pèsent sur la démocratie ? Un mélange toxique de cécité et de lâcheté. De toute part, on cherche un bouc émissaire.

En Afrique, les putschistes se livrent aux forces russes et chinoises

En Afrique subsaharienne, les putschistes rejettent l’Occident pour se livrer aux forces russes et chinoises au nom d’un anticolonialisme d’un autre âge. En Algérie, de vieux traumatismes mal digérés font le jeu d’un système obscurantiste qui n’a qu’une obsession pour masquer ses échecs : s’en prendre à la France.

En Turquie, le rêve d’empire ottoman sert à cacher une grave crise économique dont on veut rendre l’Union européenne responsable. Au Moyen-Orient, des pays arabes voudraient reprendre le peuple palestinien en otage, comme Israël d’ailleurs de son côté.

Et nombre de pays qui ne peuvent plus empêcher leurs milliers d’émigrants de mourir dans le désert ou en mer devraient se demander si par hasard ils n’ont pas une responsabilité dans leur misère et leur fuite désespérée. Alors, pourquoi se gêner ? Poutine n’hésitera pas, lui, contre toute évidence, à se dire agressé par l’Ouest ! 

La démocratie doit se réinventer

Face aux mensonges : notre cécité. Oui, bien sûr, l’égoïsme historique de l’Occident a laissé partout des plaies ouvertes. Et les démocraties ne sont pas à l’abri de tout reproche, elles qui sont loin d’être sur tous les plans un modèle. Comment combler leurs lacunes – réelles – et réformer leurs mécanismes pour se rendre à nouveau désirable ?

Comment faire admettre à nos amis américains que le poids de l’argent est tel, chez eux, que leur démocratie n’est plus exemplaire, loin de là ? Comment nous convaincre que la démocratie formelle, sans démocratie sociale, n’est pas suffisante ?

Ni bouc émissaire ni au-dessus des autres, la démocratie, pour exister, ne doit pas cesser de se réinventer

Bernard Attali

Editorialiste