Europe, nid d’espions… chinois

par Pierre Feydel |  publié le 26/04/2024

Entre « Poissons dormants » et « Maître des ténèbres », les services de Pékin ont tissé une vaste toile. Le « Dragon à mille têtes » s’intéresse surtout aux matières économiques et scientifiques

24 avril 2024, Berlin : Maximilian Krah, tête de liste de l'AfD pour les élections européennes, au Bundestag. après une réunion avec la direction du groupe parlementaire de l'AfD - Photo Kay Nietfeld/dpa

Le 23 avril, mardi dernier, Jian Guo, citoyen allemand, assistant parlementaire d’un député européen allemand d’extrême-droite (AFD), Maximilien Krah, est arrêté pour espionnage au profit de la Chine. Il est accusé d’avoir surveillé des opposants chinois en Allemagne et d’avoir fourni des informations sur le parlement européen à Pékin. La veille, le 22 avril, la justice allemande annonçait l’arrestation de trois citoyens de la République fédérale fortement soupçonnés d’espionnage économique au profit du ministère de la Sécurité chinois. Le même jour, la police de Londres faisait état à son tour de l’arrestation de deux hommes de 29 et 32 ans accusés d’avoir fourni des documents à Pékin.

Ces affaires font grand bruit en Europe. Le tapage médiatique et politique est particulièrement fort en Allemagne. Sans surprise, les autorités chinoises démentent. Jusqu’ici, à cause de la guerre en Ukraine et des souvenirs du passé du KGB , les autorités européennes semblaient obnubilées par les activités du renseignement russe sur leur sol.  C’était oublier Pékin…

Et la puissance agressive du Guoanbu appelé aussi MSS (Ministry of State Security), fondé en 1983 par Pékin, qui réunit en son sein plusieurs services. Ses missions : contre-espionnage, le renseignement extérieur, garde des frontières et surveillance des opposants politiques . Il y a vingt ans, le Guoanbu regroupait au moins 7000 agents et 50 000 agents illégaux les « chen diyu », les « poissons en eau profonde » qui constituent la toile d’araignée mondiale des services chinois.

Il faut bien sûr y ajouter les services spécifiques de l’Armée populaire ou des Affaires étrangères chinoises. Si l’on considère que tout Chinois qui se rend à l’étranger est supposé renseigner son pays et que la diaspora chinoise comprend 50 millions d’individus répartis sur tous les continents, on imagine l’extraordinaire réservoir d’agents et l’énorme capacité de collecte de renseignements du Guoanbu.

L’espionnage chinois a bien sûr ses légendes comme Keng Sheng, mort en 1975 longtemps à la tête des services chinois. Un homme au lourd passé répressif adepte des purges, un des créateurs des laogai (le goulag chinois) et partisan de la révolution culturelle qui fit plusieurs millions de victimes et provoqua sa déchéance post mortem. Son surnom de maître des ténèbres  ne rend pas compte de sa capacité à entasser les œuvres d’art et les livres précieux confisqués aux dirigeants en disgrâce. Une figure du passé loin de l’extrême activité des Chinois en matière d’espionnage scientifique et économique telle qu’elle s’exerce aujourd’hui.

Le « dragon à mille têtes » est d’une rare efficacité. Les récentes arrestations en Allemagne le montrent. Elles rendent d’autant plus saugrenue, la visite à Pékin du chancelier, achevée le 16 avril où Olaf Scholtz était venu faire des courbettes au premier partenaire de l’industrie allemande. Un cavalier seul, très critiqué en Europe, qui sert surtout les intérêts stratégiques de la Chine

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire