Europe : Super Mario président?
Mario Draghi, économiste, ex-chef du gouvernement italien, est présenté par la France et l’Allemagne comme le meilleur successeur possible d’Ursula Von der Leyen
Seul “Super Mario”, c’est son surnom, peut sauver l’Europe. « Une évidence », approuveront les optimistes ; « un vœu pieux », ricaneront les sceptiques. En réalité, le Superman en question est « un brave banquier italien de 75 ans nommé Mario Draghi, connu dans le monde entier pour son extraordinaire efficacité », rétorquera-t-on sur les places financières mondiales. Et entendu que les compétences du personnage vont bien au-delà de l’économie. En tout cas, sa candidature à la présidence de la Commission européenne lancée dans les médias le 7 décembre, n’aura pas été l’idée de n’importe qui.
C’est, en effet, celle du Français Emmanuel Macron et de l’Allemand Olaf Scholz, fermement décidés qu’ils sont tous les deux à écarter du vieux continent les dangers souverainiste et populiste.
« Mario Draghi, who’s this man ? », interrogeaient, blagueurs et sceptiques, les fonctionnaires de la Banque centrale européenne qui le virent débarquer le Ier novembre 2011 à Francfort. C’est ce que dit sa légende, comme pour mettre en valeur une modestie qui cacherait bien des talents. Son expérience en tout cas impressionne. Vice-président de la branche européenne de la banque américaine Goldman Sachs, directeur exécutif de la Banque mondiale, il a aussi occupé des postes éminents dans son pays : directeur du Trésor, gouverneur de la Banque d’Italie, et même Président du Conseil.
Les qualificatifs flatteurs s’amoncellent. Ce prof d’économie diplômé de l’université de Rome « la Sapienza », et du MIT présente à la fois les qualités d’un bosseur acharné très compétent, consciencieux., mais aussi celles d’un chef charismatique quoique réservé. Certains le jugent tranchant. Ce qui laisserait supposer qu’il sait prendre des décisions.
Au terme d’une longue enquête qui lui a été consacrée, le « Financial Times » concluait : « il restera une énigme ». Parce qu’il présente des comportements peu banaux, comme celui de refuser de mettre un manteau, même en plein hiver. Parce qu’il fuit les évènements mondains. Parce qu’il ne dit mot, même durant les diners de travail, se contentant d’écouter, un sourire sarcastique aux lèvres, prenant force notes avant de décider.
le journaliste Marco Cecchini, qui lui a consacré une bio, propose une synthèse de sa personnalité : « Draghi ? Il a le cynisme d’un Américain, la rigidité d’un Allemand et la prudence d’un Italien ». Un mélange efficace, car c’est cet homme-là qui le 26 juillet 2012 sauvera l’euro avec sa célèbre formule du « whatever it takes », « faire tout ce qu’il faudra », empêchant l’implosion du système de la monnaie unique, stabilisant les marchés et secouant les bourses européennes. Peut-être l’homme qu’il faut donc.
Pour le qualifier idéologiquement, il faut se convaincre que ce grand commis à l’allure atypique n’est pas « un rapace au service des pouvoirs forts », mais un « Keynésien libéral », comme le soutient Giuliano Amato , ancien Président du Conseil. Mais c’est Draghi lui-même qui aura donné la meilleure clé de lecture de son propre personnage lors d’une interview de 2015 au journal allemand Die Zeit : « Je suis un socialiste libéral ».
Le seul, au bout du compte, à pouvoir mettre d’accord, à Bruxelles, au lendemain des élections européennes de 2024, Allemands, Français, Italiens, Espagnols, etc.. Pour épargner à l’Europe une ruineuse expérience d’extrême-droite.