Europe : une étrange défaite
Tous les experts prédisent un dramatique décrochage de l’Union européenne. Aucun politique ne réagit.
Un millier de financiers européens sont réunis à Budapest pour réfléchir aux voies et moyens de préparer l’avenir. Les rapports ne manquent pas. Draghi, Letta, Noyer, de la Rosière… et celui, tout récent de la CDC en France[1] . Tous contrastent avec l’été indien qui illumine la capitale hongroise[2]. Tous alignent les constats les plus sombres, vieillissement démographique, perte de compétitivité, insuffisantes innovations, faible goût du risque, toutes infirmités qui caractérisent notre environnement européen. Au moment où les investissements nécessaires pour faire face aux défis écologiques et aux enjeux de défense dépassent 800 milliards d’euros chaque année. Soit plus de trois fois le fameux Plan Marshall de l’après-guerre !
Tout aussi étonnant : l’absolue convergence de tous les intervenants à la tribune. Sur le constat comme sur les possibles remèdes. Le constat : l’Europe décroche. En 2008 le PIB de la zone euro rivalise avec celui des Etats-Unis. Quinze ans après le PIB européen ne représentait que 77% de son équivalent américain. Les remèdes aussi sont connus : plus de cohésion européenne, un vrai marché européen des capitaux, une priorité absolue pour la recherche et l’innovation des produits d’épargne capables d’enrayer la fuite de l’épargne européenne vers les USA (300 milliards d’euros chaque année).
Souvent, dans ce type de débat, la volonté politique se heurte à des obstacles techniques. Là c’est l’inverse. Les solutions techniques existent, mais pas la volonté de les mettre en œuvre. Nos voisins anglais aiment à dire, « when there is a will, there is a way » (quand la volonté est là, on trouve le chemin). Force est de constater que l’Europe politique n’a pas l’intensité capable de faire avancer les solutions permettant d’enrayer le déclin. Elle n’arrive même pas à s’accorder sur une évidence : la mutualisation de la dette européenne. Dans l’heure qui a suivi la publication du rapport Draghi, le ministre allemand des finances déclarait : « pas question ! ». Mario Draghi nous prédit une lente agonie. Un jour viendra où un historien décrivant ces débats parlera à nouveau « d’étrange défaite ».
[1] Rapport sur l’investissement à long terme, CDC Juillet 2024.
[2] Colloque d’Eurofi, du 11 au 13 septembre 2024.