Européennes : et si la gauche gagnait ?

par Laurent Joffrin |  publié le 26/06/2023

Un sondage Elabe pour l’Opinion montre que la gauche arriverait nettement en tête aux élections européennes… si elle était désunie. Une perspective qui met en transe les zélotes de LFI

Laurent Joffrin

Mais enfin, combien de temps les responsables de la gauche refuseront-ils de voir la réalité en face ? À force de pieux faux-semblants, avec l’aide d’une presse mélenchonisée, une légende s’est installée : l’union version NUPES serait la seule stratégie possible pour rendre à la gauche ses chances d’arriver au pouvoir. Or, sondage après sondage, l’état de l’opinion montre le contraire.

Ainsi de l’enquête Elabe sur les prochaines élections européennes publiée hier matin par le quotidien l’Opinion. L’institut dirigé par Bernard Sananès a testé deux hypothèses pour la gauche lors du scrutin de 2024 : une liste unique, ou bien des listes séparées. Horreur : dans le premier cas, la gauche unie remporte 24,5 % des voix. Dans le second, avec plusieurs listes, elle bondit à 31 %.

Paradoxe : la désunion fait la force. Explication : dans le premier cas, nombre d’électeurs écologistes ou socialistes rechignent à voter pour une NUPES dominée par la France insoumise ; dans le second cas, chaque sensibilité trouve à s’exprimer et vote selon son cœur, qui n’est pas forcément mélenchoniste, ce qui porte le total nettement plus haut.

Corollaire : dans le premier cas, le parti présidentiel Renaissance se situe à 26 % ; dans le second, il tombe à 22,5 %. Autrement dit, les électeurs passés au macronisme, rassurés par la résurrection d’un socialisme rationnel ou d’une écologie réaliste, reviennent à gauche.

La vérité que ne veulent pas voir les dévots de l’union mélenchonienne, c’est que depuis un an, leur stratégie n’a pas fait gagner un seul électeur à la gauche. Celle-ci ne réunit pas plus d’un quart de l’électorat, score qui la prive de tout espoir de victoire. Mieux : une partie de ses soutiens estiment que LFI représente une menace pour le pays plus grande que celle du RN !

On voit ici l’effet de cette merveilleuse tactique de l’affrontement systématique mise en pratique à l’Assemblée et pendant la réforme des retraites, qui consiste à crier plus fort que tout le monde, à manier sans cesse la provocation, à présenter des propositions inapplicables et à user de la menace et de l’insulte dès que quelqu’un à gauche a le toupet d’émettre des doutes sur ce comportement agressif.

Dans ces conditions, on voit mal pourquoi certains, au PS notamment, continuent de prôner une liste unique. Pour que les voix de gauche, diront-ils, soient décomptées en une seule fois et non séparément. Mais quel intérêt, puisqu’il s’agit d’un scrutin à la proportionnelle ? Dans l’hypothèse NUPES, la gauche enverra nettement moins de députés au Parlement européen que dans l’autre configuration. Alors pourquoi ?

Parce que Jean-Luc Mélenchon, qui veut à tout prix garder son imperium, juge essentiel de geler les rapports de force apparus aux dernières législatives et qui assurent sa domination. On le comprend : le même sondage Elabe montre que les écologistes peuvent espérer 11 % des voix, le PS 9,5 % et LFI, 8,5 %. La France insoumise, troisième force de la gauche par ordre d’importance ? Perspective horrifique et inacceptable !

Alors que cette nouvelle distribution des forces électorales dessine une stratégie alternative à celle de LFI. Imaginons une liste réformiste réalisant un score de 10 % ou plus aux Européennes, soit plus que la liste LFI. Tout change. Mélenchon n’est plus en mesure de dicter ses conditions. Il devient l’une des composantes de la gauche et non plus son guide. La gauche retrouve son équilibre entre réformistes et radicaux, sous la forme d’une union rationnelle autour d’un programme applicable, qui fait renaître l’espoir d’une victoire en 2027.

L’Union de la gauche revient à sa source : la coalition des réalistes et des utopistes, la seule qui l’ait jamais conduite à la victoire. Elle sort de l’enfermement sectaire et parle de nouveau au peuple français en proposant un avenir désirable, qui réponde à son attente et dessine une nouvelle majorité. Voilà la réalité que les « nupéisés » ne comprennent pas. Voilà l’espoir qu’ils écartent par aveuglement.

Laurent Joffrin