Européennes : le défi de Glucksmann
Derrière les habituels duellistes macronien et frontiste, le député européen se détache progressivement à gauche. Une chance, mince mais réelle, de rebattre les cartes de 2027.
La mécanique tourne, bien huilée, régulière, inexorable. Macron, Attal, Dupont-Moretti et les autres, chorale à l’unisson, asticotant sans cesse le RN, jouent la partition du néo-antifascisme, qui, à force de répétition, finit par ressembler à une musique d’ascenseur. Jouant les Raminagrobis, polissant ses griffes, plissant les yeux et ronronnant en sourdine, le Rassemblement national répond paresseusement, confortablement installé sur un coussin sondagier de 30 % des intentions de vote. Ainsi le scénario est écrit : un remake poussif du duel Macron-Le Pen, avec un lever de rideau aux Européennes et une perspective présidentielle où, tels Clint Eastwood et Eli Wallach dans Le Bon, la Brute et le Truand, le candidat macronien et la championne frontiste s’affronteront pour la énième fois. Reste à distribuer le troisième rôle. Mélenchon est sur les rangs.
Jeu dangereux, à vrai dire. Après dix ans de règne macronien, l’héritier du trône (Édouard Philippe tient pour l’instant la corde) risque de payer l’usure décennale du pouvoir en place. Ce duel éternel – nous ou Le Pen, le macronisme ou le chaos – ressemble en fait à un jeu de roulette russe. Deux fois, en 2017 et en 2022, la balle est restée dans le barillet. Arrivera un jour où elle sera devant le percuteur. À force de servir le même plat au Français, la tentation de tout renvoyer en cuisine devient irrésistible.
Sortie de routine
Il est pourtant un moyen de sortir de cette dangereuse routine. On le décèle en lisant les sondages mesurant les intentions de vote pour les Européennes. Lisant les deux derniers en date, une enquête Odoxa pour Public-Sénat et un BVA pour RTL, on s’aperçoit que derrière Bardella autour de 30 % et la liste Macron à environ 20 %, Raphaël Glucksmann se détache du peloton de gauche à 11 %, laissant derrière lui les écolos autour de 8 % et LFI entre 6 et 7 %. Ainsi une liste de la gauche réformiste retrouverait la place centrale qui doit être la sienne, devant les deux auxiliaires de l’écologie et de la radicalité.
Dans ces conditions, une gauche rééquilibrée pourrait à terme se reconstruire autour d’une force socialiste et républicaine rénovée et, sur trois ans, se mettre en situation de poser de nouveau sa candidature au pouvoir, ramenant au bercail les électeurs progressistes déçus par Macron.
Encore faut-il que la direction du PS, plutôt que de laisser Glücksmann se débrouiller en priant pour qu’il ne fasse ni un trop bon ni un trop mauvais score, comprenne qu’il n’y a pas d’avenir dans la NUPES, serait-elle ripolinée et faussement réhabilitée par la mise à l’écart de Mélenchon. Encore faut-il que sur ce socle de départ, Glücksmann fasse une bonne campagne, qui déborde électoralement les centres villes. Ce qui suppose, au-delà de la nécessaire aide à l’Ukraine, un discours européen et social à la fois, écologique et populaire dans le même mouvement.
Ce sont là suppositions optimistes et il est inutile de bâtir dès aujourd’hui des châteaux à Bruxelles. Mais enfin, les chiffres sont là : il peut sortir du scrutin une force sociale et écologique digne de ce nom, qui prenne en charge, non les chimères insoumises, mais les défis du nouveau siècle. Un rayon d’espoir…