Européennes : une nouvelle donne en filigrane

par Laurent Joffrin |  publié le 19/04/2024

L’observation candide des enquêtes d’opinion montre qu’un nouveau paysage politique se dessine peut-être sous nos yeux. Ce ne sont que des sondages, dira-t-on. Certes…

Laurent Joffrin

Depuis que Valérie Hayer est entrée en campagne, elle ne cesse de baisser dans les sondages. Depuis que Gabriel Attal a été nommé à Matignon – nous étions aux 100 jours hier -, sa cote de confiance ne cesse de diminuer. Depuis qu’Emmanuel Macron a été réélu, sa cote de popularité ne cesse de s’amenuiser. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la macronie ne se sent pas très bien portante : depuis 2022, elle est même de plus en plus patraque.

Pendant ce temps, l’extrême-droite – le RN au premier chef – exhibe une santé éclatante. Qu’il parle ou qu’il reste silencieux, qu’il dise une chose ou son contraire comme il en a l’habitude, qu’il soit incapable de présenter un bilan de l’action européenne du RN ou qu’il articule quelques vagues propositions, bref, qu’il vente ou qu’il neige, Jordan Bardella s’est installé sur plus de 30 % d’intentions de vote et on ne voit guère ce qui pourrait l’en faire redescendre.

Jean-Luc Mélenchon, enfin, à force d’outrances et d’absurdités nationales et internationales, revient au score traditionnel dévolu à l’extrême-gauche en France (entre 5 % et 8 %), à égalité avec les écologistes et loin derrière le candidat des socialistes, Raphaël Glucksmann.

Tout change

Imaginons que ces évaluations, pour l’instant fragiles et qui peuvent évoluer, se confirment peu ou prou le 9 juin, jour du scrutin européen. Tout change, sur trois points au moins : le RN, qui peut compter sur une réserve de voix zemmouriennes, devient ipso facto le favori de l’élection présidentielle ; le macronisme ne peut plus se présenter comme le rempart naturel des démocrates contre l’extrême-droite ; Jean-Luc Mélenchon ne peut plus prétendre dominer la gauche comme il l’avait fait après 2022.

Tout cela est évidemment provisoire et peut changer au fil de la campagne. Mais tout de même, la conclusion n’est pas difficile à imaginer : tout démocrate conséquent, voyant la faiblesse du macronisme, cherchera logiquement une autre alternative à Le Pen que le dauphin affaibli du président sortant. Pour l’instant, elle n’existe pas. Mais l’espace électoral ainsi libéré au centre-gauche, lui, attirera tous les regards. Et comme la nature politique a horreur du vide, les conditions seront réunies pour constituer une force politique qui ne soit ni macroniste, ni mélenchoniste. L’hypothèse, on l’admettra, mérite d’être méditée.

Laurent Joffrin