Eurovision, horreur vision 

par Bernard Attali |  publié le 17/05/2024

Ou comment manquer une grande fête

Il vaudrait mieux en sourire. Personnellement j’ai mis quelques jours à me remettre du spectacle offert par l’Eurovision 2024 A Malmö. Ayant toujours considéré la chanson populaire comme un art ( pardon, Gainsbourg, mais Béart avait raison ! ) la vulgarité des chorégraphies, la platitude des paroles, la banalité des mélodies m’ont fait violemment regretter le temps où des Brassens, Dylan ,Barbara, Dabadie, etc., rivalisaient de poésie et même parfois d’humour.

Pour apprécier le désastre, il faut jouer au petit jeu cruel qu’affectionnait Aznavour : se demander lequel de ces refrains vous est resté en mémoire. Et ne parlons pas des costumes : le chanteur français ( Slimane ) était revêtu d’un plastique transparent laissant voir ses sous-vêtements : la classe !  Ajoutez à cela le traitement indigne réservé à la jeune chanteuse israélienne et vous avez là un condensé de ce que notre époque offre de plus détestable : l’hystérie médiatique au service de la laideur. 

Immense occasion manquée:  des millions de spectateurs réunis pour célébrer une des rares choses porteuses de communion en ce monde :la musique. Est-ce par ironie que le slogan de l’Eurovision était précisément cette année : United by music ?! Pour être sérieux, je poserais volontiers trois questions. Pourquoi est-il impossible de connaître le montant du budget publicitaire de l’événement ? Pourquoi le public ne compte que pour 50 pour cent des votes du jury ? Et qui sont les professionnels qui forment l’autre moitié ? Dans ce secteur inondé lui aussi par l’argent je doute que la musique ait adouci leurs mœurs.

Tout ceci me remémore ce qu’écrivait un auteur de la Rome décadente : « ils jouaient de la lyre quand Rome brûlait, mais ils avaient deux excuses : ils ne savaient pas jouer de la lyre et ils ne savaient pas que Rome brûlait ».

Bernard Attali

Editorialiste