Éviter le pire
C’est le rôle des États-Unis, avec la France et l’Europe, de fixer des limites à l’offensive israélienne. Par François Hollande
Le scénario qui se déroule depuis les massacres du 7 octobre est le pire qui pouvait être envisagé. En raison du traumatisme subi, la réaction attendue d’Israël ne pouvait se limiter à des bombardements, comme il était de règle après les tirs de roquettes du Hamas. Aussi le gouvernement israélien prétend-il à la fois éradiquer l’organisation terroriste et libérer les otages. Deux objectifs difficilement compatibles.
Il mobilise à cette fin une armée de plus de 350 000 hommes, avec des chars et des avions, au nord et au sud du pays. C’est donc une véritable guerre qui se déclare, et qui vient de commencer avec l’intensification des destructions et des incursions au cœur même de Gaza. Elles sont destinées à annihiler les défenses du Hamas et notamment les tunnels qui représentent un réseau souterrain de plusieurs centaines de kilomètres courant sur plusieurs niveaux.
Émotion générale
L’ampleur des opérations et le nombre, difficile à établir, mais hélas très réel, des victimes civiles qu’elles provoquent, soulève une émotion générale. Celle-ci conduit les pays arabes, même les plus modérés (Jordanie, Maroc, Égypte) – c’est-à-dire ceux qui ont des relations diplomatiques avec Israël – à appeler à un cessez-le-feu. Ils sont suivis par l’Arabie Saoudite et par la Turquie, qui entendent prendre le leadership, au moins régional, de la solidarité au nom de l’Islam.
Au sein de l’assemblée générale des Nations-Unies, l’Europe se divise entre des pays soucieux de maintenir un équilibre, dont la France, et d’autres, généralement à l’est, qui voient dans le conflit du Proche-Orient un enjeu civilisationnel. Quant au secrétaire général de l’ONU, pressé par les États du Sud global, il lance avec véhémence des appels à l’arrêt immédiat des bombardements.
Les États-Unis ont jusque-là tenté l’impossible : apporter un soutien politique et militaire à Israël tout en demandant au gouvernement de garder la mesure, de respecter le droit international et les devoirs humanitaires. Beaucoup dépend désormais de Joe Biden. Il sait que si la réponse israélienne s’arrêtait là, ce serait pour les ennemis d’Israël, malgré les pertes du Hamas, la preuve de la vulnérabilité de l’État hébreu et, d’une certaine façon, une victoire de l’Iran. Le Hezbollah serait, de son côté, à un moment ou à un autre, encouragé à engager lui aussi une attaque pour justifier sa propre « résistance ».
Les risques d’un embrasement général
Mais le président américain mesure aussi les risques d’un embrasement général si l’armée israélienne pénètre massivement dans Gaza. Non parce que la guerre s’étendrait à d’autres terrains, mais parce que la rue arabe pourrait déstabiliser des régimes alliés, d’autant plus que la communauté internationale est travaillée par la Chine et la Russie. Il mesure aussi les dégâts produits dans l’opinion publique des pays occidentaux, ce qui ne pourrait qu’affaiblir le soutien que les démocraties prodiguent à l’Ukraine.
Alors il doit, avec les Européens, et notamment la France, fixer les limites de l’offensive, les délais et les moyens utilisés. Ce n’est pas être insensible à l’émotion profonde du peuple israélien, victime d’un terrorisme effroyable, que de tenir cette position. C’est au contraire lui permettre, après avoir infligé des coups décisifs au Hamas, de retrouver un jour les conditions d’une paix qui apparaît aujourd’hui hors de portée.