Extrême-droite : la contagion européenne
L’extrême-droite ambitionne de s’imposer comme la troisième force au sein du futur Parlement européen.
La question taraude : une vague d’extrême-droite va-t-elle s’abattre sur l’Europe ? Certaines projections prévoient sa poussée à 25 % des sièges au nouveau Parlement européen, contre 20 % dans l’ancien. Un niveau qui la rapprocherait de celui du Parti populaire européen (PPE), le parti de centre droit d’Ursula Von Der Leyen. La deuxième question est celle des alliances : le groupe Identité et Démocratie (ID), dont fait partie le Rassemblement national, parviendra-t-il, comme le souhaite Marine, Le Pen à fusionner avec les Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) de Giorgia Meloni pour constituer ensemble la troisième force à Strasbourg ?
Le double mouvement – montée en puissance et rapprochement entre les droites populistes européennes – vient de loin. Il prend ses racines il y a 25 ans lorsqu’en Autriche, le parti de la Liberté de Jorg Haider décroche la deuxième place aux élections législatives et constitue à la surprise générale un accord de coalition avec le troisième, le parti populaire, pour mettre fin à trente années de domination de la social-démocratie.
Accélération
Depuis, ce mouvement s’est accéléré, entraînant dans son sillage la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie… jusqu’à la très symbolique victoire de Giorgia Meloni. La Première ministre italienne se « normalise » : elle reconnaît l’OTAN, soutient l’Ukraine et réunit pour gouverner une coalition inédite de trois partis situés de l’extrême-droite à la droite (le sien, Fratelli d’Italia (CRE), la Lega du populiste Matteo Salvini, proche de Marine Le Pen (ID), et Forza Italia (PPE), le parti conservateur de centre droit créé par Silvio Berlusconi). Un grand écart qui irait en France de Marine Le Pen à François-Xavier Bellamy, en passant par Marion Maréchal.
Le schéma développé en Suède, également sur le terreau de la social-démocratie, n’est pas éloigné lorsque le parti d’extrême-droite, héritier d’une formation néonazie, s’allie aux Libéraux et aux Chrétiens-Démocrates. Les passerelles s’étendent cette fois jusqu’à Renew, le groupe centriste que préside… Valérie Hayer à Strasbourg.
La contagion gagne encore avec la coalition constituée il y a quelques semaines aux Pays-Bas par le leader de l’extrême-droite néerlandaise Gert Widers (ID), qui prône carrément la sortie de son pays d’Europe et participe au gouvernement aux côtés de trois autres partis anti-corruption, pro-agriculteurs, et VVD, de centre droit libéral (Renew). Voilà donc Valérie Hayer cernée, contrainte de composer à Strasbourg avec deux partis populistes d’extrême-droite, suédois et néerlandais, de la même mouvance que… Marine Le Pen, qu’elle combat en France.
Pour gouverner, rien n’arrête les dirigeants européens, même celui de la gauche mélenchoniste grecque et l’ex-communiste slovaque Robert Fico, le « populiste le plus doué de sa génération », devenu proche de Viktor Orban, avec qui il partage une position pro-russe sur l’Ukraine.
Au-delà des scores réalisés, le jeu des alliances sera déterminant après le 9 juin. Isolés, Marine Le Pen et Viktor Orban réussiront-ils à se rapprocher de Giorgia Meloni, qui hésite. Comme si la Première ministre italienne, qui mène la liste de son parti en Italie et s’est posée en leader de la droite en Europe, ne les considérait pas comme les meilleurs alliés sur le chemin de son ambition…