Extrême-droite : le coup d’État des Reichsbürger     

par Pierre Feydel |  publié le 02/05/2024

Ils voulaient restaurer le IIème Reich ! S’emparer par les armes des lieux de pouvoir et arrêter des personnalités. Procès…

25 avril 2024, Bavière, Munich : Maximilian Eder, ancien colonel de la Bundeswehr est l'un des chefs présumés du groupe "Reichsbürger" autour de Heinrich XIII Prince Reuß, qui aurait notamment planifié un attentat contre le Bundestag à Berlin. Fin mai, le procès contre lui et ses complices présumés pour appartenance à une organisation terroriste s'ouvrira devant le tribunal régional supérieur de Francfort- Photo DPA / dpa Picture-Alliance

Les extrême-droites prospèrent sur des nostalgies souvent douteuses. Le souvenir de Vichy, de l’OAS, de la messe en latin entretenait le vague à l’âme de bon nombre de militants du Front national. En Allemagne, divers partis, organisations, mouvements sont animés parfois de bouffées délirantes néonazies voire de velléités monarchistes. Certains complotent carrément au renversement de la République fédérale. C’était le cas des 25 membres dirigeants du « Reichsbürger » (Citoyens de l’empire), arrêtés le 7 décembre 2022 à l’aube après une longue enquête de l’Office fédéral de protection de la constitution, le service de renseignement intérieur allemand.

Des attaques armées contre les organes constitutionnels

Les inculpés souhaitaient restaurer l’empire de 1871, celui proclamé dans la Galerie des Glaces de Versailles, après la défaite française. Bismarck unifiait ainsi tous les États allemands sous un seul souverain, Guillaume de Prusse. Le IIème Reich était né. Les personnages arrêtés sont devant les juges depuis le 29 avril. Ils sont accusés de « participation à une entreprise terroriste. »

Trois procès ont ou auront lieu. L’un, à Stuttgart, a commencé pour les membres du « bras militaire » d’un mouvement qui aurait compté 25 000 partisans. Un autre à Francfort démarrera le 21 mai pour les têtes pensantes. Et un dernier, à Munich, aura lieu le 18 juin pour les sous-fifres. L’idée était de pénétrer avec un petit groupe armé dans le Bundestag et de lancer simultanément « des attaques armées contre les organes constitutionnels ».

350 armes à feu et 150 000 munitions

286 « compagnies de protection de la patrie » devaient agir aux quatre coins du pays.  Des personnalités, dont le chancelier, devaient être arrêtées sans qu’on sache quel sort leur était réservé. Les perquisitions ont recueilli 350 armes à feu et 150 000 munitions. Parmi ceux qui comparaissent à Stuttgart figurent deux membres des forces spéciales de la Bundeswehr dont une compagnie fut dissoute en 2020. Des officiers y avaient exprimé des opinions néonazies. On verra aussi à la barre, un officier parachutiste condamné pour trafic d’armes et une ex-député du parti d’extrême-droite AFD qui devait être nommée ministre de la Justice. À Francfort ,comparaitra « Heinrich XIII », prince Reuss, un aristocrate munichois de 77 ans, promis au titre de « régent » en cas de réussite du complot.

« L’affaire est la plus importante de l’histoire de la RFA. »

Les autorités fédérales prennent très au sérieux ces menaces. Ce n’est pas la première, dans un pays où l’extrême-droite progresse et où des connexions avec la Russie ou la Chine apparaissent.  L’assistant parlementaire du leader de l’AFD, Maximilian Krah a été arrêté pour espionnage au profit de la Chine. Maximilian Krah est , lui-même soupçonné de corruption par les Russes.

La compagne du prince Reuss, doit être entendue au procès. De nationalité russe, de 31 ans la cadette du vieil aristocrate, elle éveille les soupçons des services de renseignement. Le président du tribunal de Stuttgart considère qu’en matière de protection de l ’État fédéral , « cette affaire est la plus importante de l’histoire de la RFA ».

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire