Fabien Chalon roule des mécaniques

par Sandrine Treiner |  publié le 03/02/2024

Physicien, et plasticien, l’artiste a créé un univers poétique sans équivalent avec ce qu’il nomme des «mécaniques intimes ». Magique !

Il est devenu maître du temps, en créant des installations, des boites en métal peintes dans lesquelles se projettent des images filmées, d’où s’échappent des musiques mélancoliques et des sons savamment mixés, le tout activé par des systèmes de poulies et de balanciers. Saisissantes, elles expriment en quelques minutes une idée, une émotion, un petit moment de douceur. Des souffleries soulèvent de légères nappes de fumées : le visiteur appuie sur un interrupteur, et c’est une histoire sensible qui envahit son esprit et déclenche son imaginaire. Magique.

Merci . C’est autour de ce mot humble et sincère que s’articule la nouvelle exposition de Fabien Chalon. La visite commence par l’extrait d’une lettre de René Char. « Mon cher ami. Je viens de recevoir votre lettre. Il faudrait toujours dire merci : mais merci, vous me comprenez, merci émerveillé, merci comme les enfants, sans nulle idée de soumission, comme on dirait merci d’être là, merci d’exister. Merci à un arbre. Merci au vent ». L’artiste a pris le poète de L’Isle-sur-la-Sorgue au pied de la lettre.

C’est sur l’image d’un arbre filmé dans une prairie que démarre la pièce maîtresse exposée à Paris, 16 rue du Perche. L’installation dévoile un petit théâtre d’images et de sons : des séquences fondues les unes dans les autres nous transportent de l’arbre à une salle où des spectateurs applaudissent un spectacle invisible avant qu’un vent puissant ne soulève des vagues inquiétantes qui balayent la vie sur leur passage.

 Le visiteur passe de la sérénité à l’angoisse, avant d’être emporté vers l’espace, d’où il regarde dans le noir la planète Terre. Les éléments jouent les premiers rôles : le vent, l’eau, la terre, le ciel. Prendre soin, prendre garde : Merci est un hymne à la nature autant que l’expression transposée d’une menace. L’artiste nous invite, moins à penser, qu’à ressentir.

Cette création mécanique n’est pas la seule proposition de l’exposition. D’autres installations l’entourent, un berceau agité par une vague qui va et vient, de grands néons encadrés en tableaux. Dont celui-ci. Un beau voilier progresse sur une mer bleue dans le bleu du ciel, et cette légende toute en lumière : l’Infiniment. Fabien Chalon sait ce qui est précieux. En poète.

« Merci ». Fabien Chalon. Galerie Olivier Waltman. Jusqu’au 25 février. Entrée libre.

Sandrine Treiner

Editorialiste culture