« Faire nation »
Novlangue. De Newspeak, George Orwell, « 1984 ». Langage convenu et rigide destiné à dénaturer la réalité
L’expression « faire nation » est devenue courante dans le langage des politiques depuis quelques années. Le président l’utilise depuis la crise de la Covid. Le 12 mars 2020, il déclarait : « Je compte sur vous toutes et tous pour faire nation au fond. » Depuis, l’expression est employée très souvent, tant par des ministres que des membres de la majorité. Pendant la campagne présidentielle, dans l’aide à la résistance ukrainienne, pour lutter contre l’inflation, lors des émeutes ou depuis la guerre en Israël. Bref, c’est le leitmotiv de son deuxième mandat et des macronistes adeptes de concepts flous.
Après les émeutes de juillet 2023, l’expression est encore revenue dans la bouche du président et a tourné en boucle dans les médias. Pour expliquer ses projets au ministère des Sports, Amélie Oudéa-Castera appelait à « travailler à faire nation par le sport », quand le ministre Christophe Béchu à la Foire de Châlons proposait de « faire Nation » sur les thèmes de l’écologie et de l’environnement. Bref, il faut à tout prix « faire nation ».
On doit « faire nation » comme on doit « vivre ensemble », ou « faire société ». Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est d’abord preuve criante de l’absence de clarté, une façon de multiplier les néologismes pour éviter de devoir exprimer sa pensée. En fait, lorsque les membres du gouvernement l’emploient, ils veulent dire que c’est par le travail commun sur des sujets, la réunion des idées et des bonnes volontés que l’on pourra unir les Français et les diriger vers un horizon commun. Il eut été bien plus simple de le dire cela simplement avec des mots compréhensibles, comme « travailler ensemble », « construire le futur », ou « avancer uni ». Pas assez chic ?