Ferdinand Buisson, le général des hussards noirs

par Pierre Feydel |  publié le 28/10/2023

Le terrorisme islamiste hait la laïcité et ceux qui l’incarnent : nos enseignants. La vie et l’œuvre des promoteurs de cette valeur fondamentale de notre République justifient cette détestation. Par Pierre Feydel

Ferdinand-Buisson

106 écoles ou collèges portent aujourd’hui le nom de Ferdinand Buisson. Combien d’élèves sinon de professeurs savent aujourd’hui de qui il s’agit ? Savent-ils ce qu’ils doivent à cet intellectuel engagé, à la fois philosophe, pédagogue, haut-fonctionnaire et homme politique dont l’autorité morale fut essentielle pour assurer les fondations de notre système laïc.

Ce général des « hussards noirs », ces instituteurs de la IIIe république, pionniers de l’école publique, que célébra Péguy, sera de tous les combats républicains : comme directeur de l’Instruction primaire nommé en 1879 par le ministre de l’Instruction publique Jules Ferry ; comme titulaire de la chaire des Sciences de l’éducation à la Sorbonne en1896 ; comme fondateur puis président de la Ligue des Droits de l’Homme, en 1898, en pleine affaire Dreyfus ; comme président de la ligue de l’Enseignement où il s’active jusqu’en 1914 ; comme fondateur puis, vice-président du Parti radical en 1901, jetant des ponts vers les socialistes et particulièrement vers Jean Jaurès ; comme député rapporteur de la loi de 1904 contre l’enseignement des congrégations, et comme président de la commission qui amènera, l’année suivante, la loi de séparation de l’église et de l’État.

Nobel de la paix
Ce progressiste audacieux, milite pour le suffrage des femmes, la reconnaissance du syndicalisme chez les instituteurs, l’enseignement des idées pacifistes, la prise en compte des parents d’élèves, la prolongation de la scolarité, l’enseignement technique, etc. En 1927, il reçoit le prix Nobel de la paix avec l’allemand Ludwig Quidde, historien pacifiste et libéral de la République de Weimar. Quel parcours !

Les rares photos de Ferdinand Buison révèlent sous un crâne chauve un visage fin, barbichu, que chevauchent des lorgnons qui abritent un regard perçant, déterminé. Il nait en 1841 dans une famille protestante d’un père juge, d’une mère fille d’un industriel du textile. En 1868, il est reçu second à l’agrégation de philosophie.

Sa cathédrale
En 1876, à la direction de l’Instruction primaire, il va diriger et publier son Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, le Buisson. « Une cathédrale… », jugera Pierre Nora, historien, académicien et éditeur. En tout cas, une somme, en quatre volumes, 5600 pages et 359 auteurs. Pour chaque instituteur, cet ouvrage sera à la fois un manuel et une encyclopédie. Fernand Buisson s’y réserve quelques articles majeurs ; éducation, instruction publique, histoire de l’enseignement, laïcité, morale, neutralité, politique.

Ce protestant libéral qui prône une religion sans dogme, sans prêtres, sans culte, donc sans église, n’est pas un sectaire. Il croit à une dimension spiritualiste de l’Homme et jamais ne s’opposera à la liberté de conscience.

Devant le congrès du parti radical et radical socialiste, en 1903, à Marseille, dans un long discours très applaudi, il explique : « Croire c’est ce qu’il y a de plus facile, et penser ce qu’il y a de plus difficile au monde ». Plus loin, parlant de l’enseignement, il ajoute : « Car il ne s’agit rien moins que de faire un esprit libre ». Tout le contraire d’un fanatique religieux.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire