Fiat : le fantôme tourmenté de papa Agnelli

par Marcelle Padovani |  publié le 17/02/2024

L’Italie suit avec fascination la guerre d’héritage que se livre la famille, propriétaire de la marque iconique

La veuve Marella Caracciolo Agnelli (à droite) et la fille Margherita Agnelli Elkan pleurent le 26 janvier 2003 dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin lors de la cérémonie officielle des funérailles de Giovanni Agnelli, président honoraire du constructeur automobile italien Fiat - Photo MARCO MERLINI

« Donna Margherita », 68 ans, est entrée en guerre ouverte contre son fils « John », 47 ans ! Conflit dans les familles pour une histoire d’héritage. Quoi de plus banal. Sauf que ces deux-là ne sont pas n’importe qui. Margherita Agnelli de Pahlen est la fille de l’« avoccato », Giovanni Agnelli, mort en 2003. « Gianni » patron de FIAT fut pendant 40 ans la figure la plus célèbre du capitalisme italien. John Elkann dit « Jaki » est aujourd’hui  à la tête du groupe automobile. Il est aussi président de Stellantis dont Carlos Tavares est le directeur général, depuis la fusion avec PSA. L’enjeu de cette inattendue bataille juridique : 150 milliards d’euros., la valeur de l’héritage de l’avoccado ».

Les Italiens sont un peu surpris. Margherita, rouquine un peu boulotte, pas toujours bien fagotée, entrevue lors des rencontres de famille dans la fabuleuse villa paternelle de Villar Perosa (Piémont) semblait plutôt réservée. Son fils a été déconcerté par l’attaque.  Sa silhouette longiligne et élégante, sa réputation de gestionnaire efficace qui a réussi une « alliance féconde » avec Peugeot n’en faisait pas forcément un escroc. Sa mère l’accuse pourtant de fraude fiscale et de falsification de documents et enfin de compte de captation d’héritage. Les huit branches de la famille soutiennent John. Le Parquet de Turin a décidé de lancer une enquête. John s’est déclaré « affligé ».

Mais qu’est-ce qui a pu pousser Margherita à cette attaque ? Deux hypothèses apparaissent. La première, la préférée des médias, note que quand Giovanni meurt, il laisse à la surprise générale une entreprise au bord de la faillite et privilégie comme héritiers son petit fils John Elkann, qui reçoit 58,6 % du capital tandis que ses deux autres enfants Elkann, Virginia et Lapo, se contentent chacun de 20,6 %. Rien n’est prévu pour les cinq autres enfants que Margherita a eus avec son second mari Sergio de Palhen, qui doivent se « contenter », avec leur mère, d’un milliard 300 millions en propriétés et en actions Fiat. Persuadée que la crise de l’automobile sera fatale, Margherita vendra tout de suite ses avoirs. Elle s’en repentira. Fiat remonte, grossit, et signe au bout du compte l’alliance du siècle avec Peugeot pour créer Stellantis qui vaut maintenant 70 milliards d’euros et qui, même en pleine crise, vole en Bourse le 15 février avec un plus 5,1 %. Margherita change donc son fusil d’épaule. Et entend renégocier l’héritage.

La seconde hypothèse fait appel à la psychanalyse. C’est son neveu Luca Rattazzi qui l’évoque :  Margherita serait selon lui « une femme qui combat depuis 20 ans le fantôme de son papa »…

Après tout les deux hypothèses ne sont pas incompatibles. Chez Peugeot, on suit l’affaire de prés.

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome