Forcer les patrons à nous augmenter

par Valérie Lecasble |  publié le 18/04/2023

Après la bataille des retraites, la France va-t-elle connaître celle des salaires ? Aux partenaires sociaux, Emmanuel Macron vient de donner jusqu’à la fin de l’année pour « bâtir » un « pacte de la vie au travail ».

Photo by NICOLAS TUCAT / AFP

Les organisations patronales réclament du temps et les syndicats font la sourde oreille. La France est trop fracturée et en colère pour qu’ils acceptent de renouer le dialogue.

D’ici le 1er mai, il leur faudra panser les plaies des retraites et évaluer ce jour-là leurs forces en espérant voir la foule défiler dans les rues.

Mais les syndicats ont entendu hier qu’Emmanuel Macron inclut dans ce pacte les revenus et progressions de carrière, le partage de la richesse, les conditions de travail, l’emploi des seniors et l’usure professionnelle : comme si le vrai défi pour le Président de la République était de redonner aux Français le goût de travailler.

Tous ces sujets sont importants et auraient dû être abordés… avant celui des retraites. Mais pour les syndicats, la priorité est claire : il faut augmenter les salaires et redonner du pouvoir d’achat aux Français. Avec l’inflation, plus moyen de reculer.

Adepte des 35 heures, la France a depuis longtemps sacrifié le niveau des salaires à la réduction du temps de travail.

Pour éradiquer le chômage, elle a aussi tout misé sur l’emploi depuis le fameux CICE de François Hollande qui lui a coûté si cher politiquement, mais qui a tellement bénéficié aux entreprises grâce au cadeau de 100 milliards d’euros de baisse de charges sociales qui leur a été octroyé.

Aujourd’hui,  tout s’est inversé. Le chômage est au plus bas et le besoin de pouvoir d’achat au plus haut. Laurent Berger a répondu dès hier soir à Emmanuel Macron, lui indiquant qu’il serait d’accord pour négocier à condition que les thèmes et la méthode choisis soient les bons.

À FO, on surenchérit : il faut « supprimer la trappe à bas salaires ». En clair :  à force d’exonérer de charges les salaires les plus bas, on a créé un plafond, seuil au-delà duquel les patrons n’augmentent plus leurs salariés.

Le deal entre les syndicats et le gouvernement pourrait donc être le suivant : conditionner l’énorme exonération de cotisations sociales dont bénéficient en France les chefs d’entreprise à une augmentation effective des bas salaires.

Cette solution aurait l’avantage d’augmenter les salaires des plus défavorisés sans coûter d’argent à l’État et même dans certaines hypothèses en renflouant ses caisses.

Elle reste cependant soumise à un énorme point d’interrogation : le gouvernement voudra-t-il forcer la main aux patrons qu’Emmanuel Macron n’a cessé de choyer ?

Ce serait pour lui la seule solution afin de regagner la confiance de Laurent Berger, des syndicats. Et des Français.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique