Formation : les partis ne font pas école

par Yoann Taieb |  publié le 11/11/2023

Les partis ont abandonné l’idée d’accueillir et de former des militants. Il est question de s’y remettre. État des lieux

Capture d’écran France24

Les partis se meurent. Moins d’idées, moins de cadres et moins de militants. Disparue l’ éducation populaire et la formation militante. L’idée, de voir un ouvrier devenir Premier ministre, tel Pierre Bérégovoy, relève aujourd’hui de l’impossible tant les postes de responsabilités sont occupés par un microcosme voir une nomenklatura . Les militants de la « base » l’ont bien senti. Ils ont déserté.

Résultat, durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, il y avait … zéro ouvrier à l’Assemblée nationale et on en comptait seulement huit en 2023. En 1936, sous le Front populaire, la Chambre dénombrait 56 ouvriers députés sans aucun diplôme. Cela ne les a pas empêchés de maitriser le travail législatif et de faire avancer le droit des travailleurs ? Les partis politiques ont pris conscience de ces manques et se sont décidés à reprendre les choses en main. Où en est-on ?

Le parti favori des sondages, le Rassemblement national, entend « former des gens sérieux », selon Marine Le Pen. L’école qu’elle a lancée est chapeautée par l’expert en sondages et opinion, Jérôme Sainte-Marie. L’objectif annoncé est de constituer une nouvelle élite populaire, prête à entrer dans la bataille des idées et à argumenter face à la bourgeoisie , entendez les élites mondialisées. Dans la même veine, le parti d’Éric Zemmour, Reconquête, a mis en place une structure .

Le chef du parti a toujours déclaré que l’hégémonie culturelle chère à Antonio Gramsci était vitale pour gagner. Des militants travaillent donc sur les sciences politiques, les relations médias et l’art de la rhétorique. En parallèle, Marion Maréchal a lancé en 2018 son école de science politique, l’ISSEP, qui forme de futurs journalistes et professionnels de la politique, bien entendu très orientés à droite.

Mais, le parti le plus en avance dans le domaine de la formation militante est celui qui puise dans ses racines trotskystes : la France Insoumise. Son Institut la Boétie se veut un lieu « d’élaboration intellectuelle de haut-niveau et un outil d’éducation populaire ». Un mélange de think tank et d’école populaire. Au programme des cours, un slogan au hasard :« La haine des médias est juste et saine »

Le Parti communiste a, lui, abandonné son « école du Parti qui formait tous ses militants, de l’ouvrier au professeur. Restent des stages de formation de plusieurs semaines dédiés à des cadres, déjà en poste.

Le PS, représentait autrefois un modèle de promotion par la politique. Un jeune ouvrier ou instituteur pouvait gravir les échelons et obtenir des responsabilités politiques importantes. Aujourd’hui, les Socialistes ont lancé le média des idées qui propose du contenu éditorial et des conférences entre chercheurs, intellectuels et grand public pour retravailler les idées et le contact avec la base. On souligne aussi l’expérimentation du député Philippe Brun qui a créé l’école de l’engagement, dédiée à la formation intellectuelle de volontaires issus des classes populaires. Une initiative qui demande à prendre de l’ampleur.

Les Républicains, dans la même situation, ont délaissé tout le travail intellectuel accompli, sous la direction du président Éric Ciotti, et ont institué une école des cadres appelée « Georges Mandel » et promu un média Une certaine idée. Des projets intéressants qui témoignent que la droite a pris conscience de son retard. 

Les formations de la majorité, Renaissance, MoDem s’en tiennent à des modèles d’écoles des cadres.

En résumé, ce sont les partis les plus populistes qui « éduquent » leur base militante plus que les autres investissent dans la formation de futurs cadres, conseillers, ministres. Leur stratégie de conquête du pouvoir les y pousse.

 Les partis traditionnels de gauche et de droite, en déclin, recommencent à s’intéresser à la formation idéologique des militants. Le manque d’idées les a d’ailleurs conduits à des revers électoraux catastrophiques, à la désertion de leurs militants. Un début de redressement s’amorce..

Les partis de la majorité présentent un corpus idéologique flou qui provoque en interne quelques déchirements. Leurs militants issus de catégories socioprofessionnelles supérieures sont convoqués, une fois par an à des universités d’été. C’est maigre.

 Faut-il donc renouer avec les pratiques du siècle dernier ? Sans doute. Parce que former des militants pour qu’ils deviennent des responsables politiques, c’est donner à la démocratie des hommes et des femmes qui la maintiendront vivante.

Yoann Taieb