Fox News démasquée

par Laurent Joffrin |  publié le 19/04/2023

Menacée d’un procès désastreux, la chaîne réactionnaire pro-Trump a accepté une transaction qui vaut aveu public.

Photo: Philippe Matsas

Fox news pourrait désormais s’appeler officiellement, preuves à l’appui, Fake News. La chaîne conservatrice américaine, qui a beaucoup fait pour la fortune politique de Donald Trump, vient d’accepter une transaction qui lui évite un procès public en diffamation, pour la modique somme… de 787 millions de dollars.  

L’histoire, qui ferait un excellent scénario de série, commence pendant l’élection présidentielle de 2020. Apprenant qu’il est en passe de perdre, Donald Trump crie à l’élection truquée et accuse, entre autres, la société fabricante de machines à voter Dominion d’avoir faussé les résultats.

Confrontés à ce gros mensonge, les journalistes de Fox News refusent de le reprendre à leur compte. Aussitôt, l’audience de la chaîne se retrouve en chute libre. Paniquée devant cette désertion massive, la direction de Fox, après une brève hésitation, prend un virage serré sur l’aile droite et relaie en continu la fable inventée par Trump, retrouvant ainsi progressivement son public.

L’histoire se serait arrêtée là si la société Dominion, piquée au vif, n’avait décidé de porter plainte en diffamation contre Fox News, réclamant 1,6 milliards de dommages et intérêts. Dans un premier temps, la chaîne s’est contentée de démentir et d’invoquer la liberté d’expression, très protégée aux États-Unis.

Las ! L’enquête judiciaire qui s’en est suivie a permis aux plaignants de mettre à jour les échanges de mails qui ont présidé aux décisions de Fox. Ils sont tout bonnement accablants. Alors même que les journalistes expriment entre eux leur scepticisme – parfois leur indignation – devant les délires de Trump, ils disent le contraire à l’antenne, apportant au président sortant la caution dont il avait besoin.

Pire : interrogé lors de l’enquête, Rupert Murdoch, le très conservateur magnat qui possède la chaîne, doit avouer piteusement qu’il a donné la consigne à sa rédaction de seconder l’entreprise de désinformation trumpiste, après l’avoir qualifiée en interne de « truc vraiment fou et dommageable ».

Menacée d’un procès public qu’elle était assurée de perdre, Fox a décidé de transiger, moyennant une indemnité colossale versée à Dominion. En d’autres termes, comme dans un film de Franck Capra, la vérité des faits l’a finalement emporté sur le mensonge.

L’événement, considérable dans le monde médiatique américain, pourrait même donner un coup d’arrêt à la prolifération des fake news qui font le quotidien des médias réactionnaires aux États-Unis. Dans cette démocratie américaine si souvent en déshérence, la chose est trop rare pour ne pas être célébrée.

Laurent Joffrin