France-Espagne ou marché marocain ?
Un match France-Espagne est généralement l’occasion d’une belle partie. Mais on parle ici d’un autre type de compétition : celle qui concerne la conquête du marché marocain.
La compétition à laquelle se livre la France et l’Espagne et les chances corrélatives qu’ont leurs entreprises respectives pour remporter des marchés n’apparait pas vraiment indépendante des positions adoptées par leurs pays sur la question du Sahara occidental, jugée « existentielle » par le roi Mohamed VI. Ce dernier considère en effet qu’il est partie intégrante du territoire marocain et que sa marocanité est indiscutable. Ce à quoi s’oppose le mouvement politique armé Front Polisario, partisan de son indépendance et fortement soutenu par l’Algérie.
Le Premier Ministre espagnol Pedro Sánchez avait clairement pris l’avantage, dès mars 2022, en affirmant que « l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sérieuse et la plus crédible pour la résolution du différent ». Que son pays soit le premier partenaire commercial du Maroc, n’est évidemment pas étranger à cette prise de position politique, dont les effets furent immédiats. Dès l’année suivante, en 2023, une réunion au plus haut niveau entre les deux Premiers Ministres clame haut et fort la volonté d’engager un « partenariat gagnant/gagnant ». L’Espagne annonce au Maroc un plan d’investissements de 45 milliards d’euros d’ici 2050.
Du côté français, la tentative d’Emmanuel Macron pour rester proche du royaume – tout en relançant la relation avec Alger – a fait rapidement long feu, au point de ne plus satisfaire aucun de deux partenaires, voire de provoquer leur irritation.
Jusqu’à cette lettre de l’été 2024 adressée au roi, où le président français reconnaît à son tour « l’identité marocaine du Sahara occidental » et admet que la politique d’autonomie voulue pour lui par le roi est « la seule base pour aboutir à une solution politique ». Conséquence directe : Macron promet d’engager la France dans le soutien à des projets au Sahara occidental, mandatant en ce sens l’Agence Française de Développement (AFD) et sa filiale Proparco.
Pur hasard de calendrier sans doute, mais quelques jours plus tard, le consortium français regroupant Egis et Systra associé au marocain Novec remporte le marché d’assistance à maîtrise d’œuvre pour la construction de la ligne ferroviaire à grande vitesse Kenitra/Marrakech contre l’espagnol Ineco à la proposition pourtant moins chère et que les experts jugeaient comme potentiel vainqueur. Petit marché certes, de 130M€, mais de bon augure pour la suite du chantier
Dans de nombreux domaines, la concurrence est implacable.
Sur le ferroviaire déja, où les projets de l’ONCF (l’Office marocain des chemins de fer), visent, d’ici 2040, la desserte de 87% de la population et celle d’un nombre de villes multiplié par deux (43 villes contre 23 aujourd’hui). Mais ce sont aussi les constructeurs de trains qui s’affrontent, Alstom d’un côté, Talgo ou CAF de l’autre, pour un total prévisionnel de 168 TGV !
Autre domaine stratégique pour le Maroc, celui du dessalement de l’eau de mer. La configuration de la concurrence entre majors espagnols et français y est fort semblable. Si les premiers ont gagné l’usine de Casablanca avec Acciona (contre Suez), les seconds ont emporté celle de Dakhla avec Engie.
Si l’on se souvient que la Coupe du monde de football 2030 est coorganisée par l’Espagne, le Portugal et… le Maroc, la compétition entre entreprises françaises et espagnoles promet d’être féroce.