France-Maroc : une bien mauvaise brouille

par Jérôme Clément |  publié le 09/12/2023

Voilà plusieurs années que rien n’allait plus entre le Maroc et la France. A tort

Jérôme Clément

D’abord il y a eu la question des visas. Fortement réduits sur pression du ministère de l’Intérieur français, ils ont empêché les voyages incessants entre les deux pays du fait, notamment, de la présence en France d’un million de Marocains. Heureusement, la question est maintenant réglée.

Puis il y a le Sahara occidental. Question cruciale pour le Maroc qui voit la remise en cause de son intégrité territoriale dans la non-reconnaissance de ses droits sur ce territoire, disputé avec l’Algérie. Les États-Unis et l’Espagne, soutiennent le Maroc, et à la stupeur des Marocains, la France tergiverse. Plus généralement, c’est la politique algérienne du président Macron qui est en cause: désireux d’améliorer durablement les relations avec l’Algérie, Emmanuel Macron s’est détourné des Marocains au profit du pays voisin, espérant obtenir une réconciliation de la part d’un gouvernement qui, précisément, a fait de l’hostilité aux Français, un axe majeur de sa politique.

Se sont ajoutés par ailleurs des maladresses : s’adresser directement au marocains, après le tremblement de terre en court-circuitant le roi, par exemple, est perçu là-bas comme une certaine désinvolture vis-à-vis du chef des croyants,  qui a profondément irrité.

Tout cela n’a pas de sens. Le Maroc est un pays qui s’est très rapidement modernisé et a changé de catégorie : réseau routier, train à grande vitesse, urbanisme et construction, nouvelles entreprises florissantes, avancées spectaculaires dans la haute technologie. A  tel point qu’on se dispute aujourd’hui ses ingénieurs, ses mathématiciens, ses techniciens, ses avocats, ses architectes, ses commerçants qui sont de plus en plus nombreux aux États-Unis, au Canada et ailleurs. C’est d’ailleurs aussi le cas des artistes et des artisans marocains qui allient tradition et modernité.

Le Maroc est devenu une puissance régionale avec laquelle il faut compter. Les nouvelles générations veulent plus de liberté et c’est sans doute la difficulté à laquelle se heurte le pouvoir royal qui assure une grande stabilité politique, mais doit innover sans pouvoir tout remettre en cause. La rénovation du code de la famille, dans un pays très religieux, l’égalité entre les femmes et les hommes, la liberté sexuelle, et surtout, la réduction des inégalités doivent accompagner la croissance économique et la modernisation du pays.

La France a tout intérêt à se réconcilier durablement avec ce pays avec lequel nous avons une langue et une histoire en partie commune. Qu’en sera-t-il dans vingt ans du français et des liens avec notre pays ? Les relations vont changer et la France ne sera plus le partenaire unique et privilégié qu’elle a été. Pourtant, tant de valeurs fondamentales, tant d’intérêts communs nous relient face à la montée des intolérances qu’il est essentiel de renouer des fils qui n’auraient jamais dû être distendus. Pays de tourisme pour beaucoup de français, le Maroc doit être aussi un allié dans la partie diplomatique, économique et politique qui se joue dans cette Afrique qui se désagrège sous nos yeux.

Jérôme Clément

Editorialiste culture