France, où sont tes spécialistes ?

par Professeur Frédéric Adnet |  publié le 28/10/2023

Tout le monde a vécu cette véritable « galère » pour obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialiste. Des délais souvent incompatibles avec l’évolution de la maladie sauf si… celle-ci est spontanément guérissable

Aujourd’hui en France, il est commun d’attendre un délai de 6 mois pour une visite chez un ophtalmologue, 8 mois pour un gynécologue et jusqu’à deux ans pour un pédopsychiatre !

Et les médecins généralistes eux-mêmes sont de plus en plus rares. Trois raisons à cela :

En cause, la politique de formation des médecins

Le fameux numérus clausus, mis en place par un concours à la fin de la première année des études médicales date de 1972. Ce concours, ou plutôt cette sélection à la hache, a abouti dans les années 1990 à un véritable effondrement des médecins formés –  moins 60 % de praticiens installés –  alors même que les besoins de santé augmentaient.

Logique comptable du gouvernement : baisser le nombre de médecins c’est baisser… le nombre de prescriptions et donc d’actes facturés. Un choix catastrophique. Autre source d’économie évoquée : les études de médecine coutent cher, environ 200 000 euros par étudiant.

Ce numerus clausus a été progressivement réduit : le nombre de médecins en formation a augmenté d’environ 20 % par rapport à 2016. En 2022, 9 361 médecins ont été formés pour environ 60 000 candidats.  Or il faut 10 à 12 ans pour former un médecin spécialiste ! Pour arranger le tout, nos universités n’ont plus la capacité d’absorber un surplus significatif d’étudiants.  Sans compter un certain désamour des étudiants pour les carrières hospitalo-universitaires, qui fournissent les enseignants en médecine.

Une démographie médicale très inégale

La densité des médecins en France est acceptable comparée à d’autres autres pays européens , la Belgique et la Finlande (318 pour 100 000 habitants dont 178 spécialistes) mais en dessous de la moyenne européenne qui est autour de 350 pour 100 000 habitants. Les disparités sont extrêmement importantes entre, l’Île-de-France et PACA avec le reste de la France.

Autre caractéristique : la population des médecins vieillit. Près d’un médecin sur trois a plus de 60 ans et 47 % plus de 50 ans. Ces départs à la retraite, massifs, ne trouvent plus de remplaçants.

Conséquence : il existe en France de véritables zones de désert médical. 45 % des communes françaises sont en manque de praticiens installés, soit 22 % de la population française sans médecins disponibles. Autre conséquence, une saturation des urgences et des associations comme SOS médecins et le renoncement aux soins, donc avec une aggravation de la morbidité des maladies chroniques. 700.00 malades chroniques  – soit 5 % d’entre eux – ne disposent pas d’un médecin traitant

Un vieillissement de la population française.

On considère que les personnes âgées de plus de 65 ans ont trois fois plus recours aux soins qu’une personne plus jeune. La fécondité diminue, moins de bébés, et l’espérance de vie augmente. Vers 2070, les plus de 65 ans atteindront 30 % de la population française.

Conclusion

Le manque de suivi médical et le retard de l’accès aux soins ne peuvent qu’aggraver la morbi-mortalité des maladies chroniques. Cela passe par des retards de diagnostic des maladies néoplasiques [tumeurs] jusqu’à la survenue plus fréquente de complications comme pour le diabète ou les broncho-pneumopathies chroniques. Donc, pour notre population, un appauvrissement des indicateurs de santé

Bref, les patients vont devoir courir encore un moment à la recherche de leurs spécialistes…

Professeur Frédéric Adnet

Chroniqueur médical