François Bayrou, l’homme qui ne doutait pas

par LeJournal |  publié le 21/10/2023

Figure du paysage politique depuis 30 ans, le leader centriste va devoir affronter un procès pour détournement de fonds européens qui a débuté le 16 octobre qui pourrait briser une carrière construite sur sa vertu et son infaillibilité supposées. Fin de carrière ?

François Bayrou, leader du parti centriste Mouvement Démocrate (MoDem) lors de l'université d'été du MoDem à Guidel, dans l'ouest de la France, le 25 septembre 2022 - Photo Damien MEYER / AFP

Ce jeudi soir de janvier 2021, il fait froid dans l’église Saint-Pierre du Gros- Caillou, à Paris. Sous la grande nef, François Bayrou assiste au service funèbre rendant hommage à celle dont il était le plus proche, Marielle de Sarnez, fidèle jusqu’à le suivre dans la disgrâce. Pour ce catholique très pratiquant, son amie est toujours là, l’esprit survit et les morts accompagnent toujours les vivants.

En 2017, à la suite de révélations sur le détournement par son parti, le Modem, de fonds européens pour rétribuer des collaborateurs, il doit démissionner de son poste de ministre d’État, Garde des Sceaux. Ministre des Affaires européennes, Marielle de Sarnez en fait autant. Ils étaient en poste depuis à peine un mois. La rigueur de celui qui n’a cessé de fustiger les errements de François Fillon le candidat des Républicains à la présidentielle, se retourne contre lui.

Terrible mauvais coup, pour ce chrétien qui affiche une probité morale sans faille et – Simone Veil s’en moquait dans ses mémoires – une farouche ambition présidentielle jamais abandonnée. Sa ligne politique ne se départit pas d’une farouche indépendance qui lui vaudra parfois de rudes déboires. Cet héritier de Valéry Giscard d’Estaing et de Jean Lecanuet se lance seul en 2002 dans la présidentielle au risque d’affaiblir Jacques Chirac. Il ramasse 6 % des voix et perd 100 députés.

En 2007, il récolte 18 % des suffrages. Mais, il refuse toute alliance avec la droite au pouvoir et bat froid Ségolène Royal qui lui propose de faire cause commune dans l’opposition. François Bayrou crée alors le Mouvement démocrate et entame une traversée du désert de …10 ans. Le centriste ne pèse en rien sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Un député perfide lâche : « au fond, il n’y a que sur les plateaux de télévision qu’il est bon. »

A la présidentielle de 2012, le voilà à 9 %. Il perd son siège de député. Mais l’enfant du Béarn gagne la mairie de Pau. Au niveau national, son parti perd 60 000 adhérents. La traversée du désert commence. Qu’importe ! Il est toujours seul, mais il a toujours raison.`

La comète Macron le ressuscite. Il ne craint pas d’affirmer : « Macron, sans moi, c’était Rocard qui se plantait et on aurait plus entendu parler de lui. »  Les macronistes grognent. Le nouveau président, bon prince, le nomme Garde des Sceaux. Hélas pour pas longtemps. Il a quand même gagné 49 députés du Modem. Devenu Haut-commissaire au Plan, il publie une dizaine rapports qui n’affolent ni la classe politique, ni les médias. D’ailleurs a-t-il laissé une grande idée sinon celle de la fin du clivage gauche-droite qui reste à prouver ?

A-t-il même initié une grande réforme. Chirac le jugeait paresseux, Juppé sans projet, Giscard insuffisant. Un de ceux qui ont pu l’approcher estime, féroce,  qu’il a « la morgue du général de Gaulle, sans l’appel du 18 juin, ni la libération de Paris, ni « les mémoires de guerre », ni le retour de 1958. En bref, rien. » 

Malgré son splendide isolement et la permanence des critiques qui pleuvent sur lui, jamais, au grand jamais François Bayrou ne s’est remis en cause. D’ailleurs, il ne prépare même pas sa succession, personne d’autre ne doit prendre la lumière, le parti disparaitra avec lui.  Déjà, il se prépare pour l’élection de 2027, sûr que les croyants attendent le retour du messie. Divin hubris. La foi de ce chrétien sincère ne peut certainement pas être remise en cause. Georges Bernanos disait : « la foi, c’est vingt-quatre heures de doute et une minute d’espérance ». 

Pour lui-même, François Bayrou a, semble-t-il, inversé la proposition.

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