François : le testament d’un Pape

par Marcelle Padovani |  publié le 12/04/2024

Le pape argentin François est-il un moderniste, un amoureux du peuple ou un populiste ? En fin d’un pontificat, il se confie…

Un visiteur tient un portrait du pape François alors qu'il passe devant la foule lors de son audience générale hebdomadaire -Photo Alberto PIZZOLI / AFP

La voix est rauque, le regard las au-dessus d’immenses cernes. Il arrive que le pape François s’endorme en public pendant d’interminables minutes, comme le dimanche des Rameaux sur la place Saint-Pierre. Il y a l’âge, quatre-vingt-sept ans, les responsabilités, onze ans à la tête de l’Église, et la santé. François souffre de mille maux ,  des genoux, des hanches, du colon. Il a aussi été opéré d’une hernie en juin et hospitalisé pour sa bronchite chronique.

Bien assez pour que les médias romains se laissent aller à leur propension aux faire-part mortuaires anticipés. Ils ne s’en privent pas. Avec cependant une nouveauté : aujourd’hui, c’est le Pape lui-même qui les y encourage. En annonçant le 3 mars la publication en exclusivité en Espagne d’un livre très personnel, confidentiel même, riche en souvenirs inédits sur son prédécesseur Benoit XVI, François semble vouloir gérer à sa guise son rendez-vous avec Dieu.

« Un pape comme moi fait beaucoup de bordel »

Ce que raconte « Papa Francisco, el succesor », est corroboré par son interview publiée, le même jour, par le quotidien suisse ABC. François salue ses propres révélations par ce commentaire « off the record » bien peu conciliant… « un pape comme moi fait beaucoup de bordel ») L’homme se répand : sur les tensions dans l’Église, les sourdes manœuvrent de certains cardinaux – son prédécesseur Benoit XVI réussit heureusement à les bloquer -qui avaient voulu faire son procès au sujet des « unions civiles ».

Il annonce son désir d’être, « comme n’importe quel chrétien, exposé pour ses funérailles dans un cercueil et pas sur un catafalque ». Il dément l’éventualité d’une démission et lâche :« Je ne vois pas les conditions pour renoncer à ma charge ». François souligne en outre ses « rapports excellents » avec son prédécesseur Benoit XVI qui « avait toujours les yeux brillants » quand il allait le trouver. Et qui souffrait au fond d’un seul défaut : la confiance accordée à son secrétaire particulier, l’intégriste Mgr Ganswein, qui « manipulait  littéralement son maitre et était dépourvu de noblesse et d’humanité » ?

Populaire ou populiste ?

Pas un mot en revanche dans ce livre sur les paroisses désertes, sur l’Église appauvrie et divisée du XXIème siècle, sur le clergé africain, en rupture de ban avec Rome et hostile à la bénédiction des couples homo telle que l’avait suggérée le Pontife. Pas un mot non plus, bien entendu, sur la politique étrangère ondoyante du Saint-Siège, comme le souligne le vaticaniste Mario Margiocco, ni sur le « modernisme ambigu » d’un pontife resté au fond indéfectiblement lié au populisme argentin. Car écrit Margiocco « pour le Pape François le renouvellement de l’Église passe par le peuple, le Pueblo. Et donc par le populisme ». D’où la question : existe-t-il de nos jours dans nos pays une alternative aux « charmes » de ce modèle sud-américain ?

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome