François Léotard, l’ami de l’autre rive

par Jérôme Clément |  publié le 26/04/2023

On peut être proche d’un adversaire politique, c’est la qualité humaine qui compte. Hommage

 

le président de l'UDF, François Léotard- Photo by JOEL ROBINE / AFP

Je ne partageais pas les idées politiques de François Léotard. Néanmoins, j’avais de l’estime et même de l’amitié pour lui. François Mitterrand avait refusé qu’il fût ministre de la Défense dans le gouvernement Chirac, le premier gouvernement de cohabitation en 1986. Il se retrouva donc ministre de la Culture où j’étais directeur général du Centre du Cinéma.J

e vis arriver un homme plutôt sympathique que j’avais déjà rencontré lors d’un voyage aux USA au titre des « Young Leaders ». J’avais gardé de lui l’image d’un homme indépendant, peu assidu à nos réunions et plus préoccupé de se promener en galante compagnie que de rencontrer des universitaires ou des hommes politiques américains, dont le gouverneur de l’Arkansas Bill Clinton faisait pourtant partie.

Je le retrouvais ministre, bronzé, sportif, et enjoué. Connu pour ses ambitions politiques et son petit groupe de mousquetaires pressé de prendre le pouvoir, il aimait les livres, le cinéma et s’intéressait aux artistes. Mais c’était une gageure de s’affirmer en succédant à Jack Lang, alors que François Mitterrand était toujours à l’Élysée. Ce n’était pas si mal…


Il gagna les bonnes grâces du président Mitterrand lors des discussions littéraires qu’il eut fréquemment avec lui avec qui il partageait également des interrogations spirituelles.Car derrière ce personnage qui pouvait illustrer le titre d’un livre de Milan Kundera, « L’Insoutenable Légèreté de l’Être » se cachait un homme très profondément préoccupé du destin humain, de l’homme et de la mort. Il avait fait retraite, religieuse, autre fois, et cette dimension métaphysique ne l’avait jamais quitté.

C’est ce qui le rendait attachant : à la fois superficiel et profond, avide de reconnaissance et grand solitaire, il cachait la meilleure partie de lui-même, celle qu’il partageait avec son frère Philippe, cet immense acteur, dont la mort l’avait cruellement frappé et dont il ne s’était jamais vraiment remis malgré son goût pour la poésie, l’écriture et la beauté du soleil de Provence qu’il aimait tant.

Jérôme Clément

Editorialiste culture