François Ruffin : et moi, et moi, et moi ?

par Valérie Lecasble |  publié le 14/06/2024

Celui qui a lancé l’idée d’un Front Populaire se sent « capable » d’aller à Matignon. Comme Mélenchon. C’est là que ça coince…

Francois Ruffin, à l'assemblee nationale, débat sur les finances locales - Photo by Magali Cohen / Hans Lucas

Comme Jean-Luc Mélenchon la veille sur France 2, mais sur la petite station de France Bleu en Picardie, où il répondait aux questions des auditeurs, François Ruffin s’est dit « capable » de devenir Premier ministre. Il aurait même pu être le premier à évoquer Matignon en cas de victoire de l’alliance de la gauche, si Jean-Luc Mélenchon n’avait, dit-on, mis son poids dans la balance pour empêcher les négociateurs du PS, des Verts et du PCF de l’adouber comme candidat. Inquiet de l’ascension de son rival au sein même de son parti, le leader de La France Insoumise (LFI) serait allé jusqu’à lâcher quelques circonscriptions, en échange du renoncement de ses partenaires à le choisir.

C’est dire si François Ruffin suscite la sympathie. A contrario d’un Mélenchon vindicatif, outrancier et clivant, Ruffin, avec son air timide de ne pas y toucher, son élocution hésitante et sa gestuelle un peu empruntée, peut rassembler tant il incarne plusieurs légitimités. D’abord celle d’avoir été, à peine connu le score du Rassemblement National aux élections européennes, le premier à lancer l’idée d’un Front Populaire réunissant toutes les forces de la gauche pour empêcher le parti de Jordan Bardella d’accéder au pouvoir.

Constance

Ensuite, celle d’être inlassablement du côté des travailleurs, avec constance et une forme d’humilité. « Je prendrai la place qu’on souhaitera pour transformer la vie des gens, a-t-il déclaré sur France Bleu. Quand j’ai lancé l’idée d’un Front Populaire, c’est en mémoire de la figure de Léon Blum, mais aussi de Léo Lagrange, ministre des Loisirs, qui en un mois a rallumé une lumière, avec les premiers congés payés pour les ouvriers. Premier ministre, pourquoi pas ? Mais si c’est comme ministre des Sports qu’on parvient à donner le sport pour tous les enfants de notre pays, j’en serai fier. »

Inlassable défenseur des classes populaires, on le verrait plutôt ministre du Travail ou de la Solidarité, lui qui, fils d’un cadre de chez Bonduelle, a réalisé un film sur la souffrance au travail dans le monde moderne (« Merci patron ») et lui a consacré des messages choc délivrés à l’Assemblée nationale depuis qu’il a été élu député en 2022.

François Ruffin, qui a démarré sa campagne électorale pour les prochaines élections législatives dans sa circonscription de la Somme sur le thème d’une « gauche joyeuse et généreuse », ne veut pas donner le sentiment de courir après les maroquins. S’il se positionne ainsi, dans la foulée de sa camarade Clémentine Autain qui s’est déclarée en faveur d’« un profil qui ne soit pas clivant » pour Matignon, c’est qu’il cherche à bloquer toute tentative de Jean-Luc Mélenchon de préempter le Front Populaire, pour les négociations desquelles il appelle à « la fumée blanche ».

Troisième personnalité préférée des Français de gauche, après Raphaël Glucksmann et François Hollande, il caracole loin devant Jean-Luc Mélenchon, rejeté à 70 % depuis le 7 octobre et son refus de reconnaître le Hamas comme une organisation terroriste. Une légitimité supplémentaire pour incarner le tout-sauf-Mélenchon, tant il paraît plus apte que lui à rassembler un socle commun.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique