Gauche : chronique d’une défaite annoncée

par Valérie Lecasble |  publié le 19/07/2024

Même étroite, la défaite est cinglante pour le Nouveau Front Populaire. Comment à présent dégager un consensus sur un futur Premier ministre, si l’on n’est d’accord sur pas grand-chose ?

Le "Nouveau Front populaire" Photo par JULIEN DE ROSA / AFP

Après l’échec de la gauche à conquérir le perchoir, on voit mal désormais comment le Nouveau Front Populaire pourrait espérer remporter Matignon. Le « pacte d’action » constitué par Renaissance, le Modem, Horizons et désormais Les Républicains, que LeJournal.info avait anticipé dès le 10 juillet, a bien atteint les 220 députés alors annoncés. Ce score, le plus mauvais de la Ve République, est néanmoins suffisant pour battre celui, honorable, de 207 voix obtenues par le respecté André Chassaigne. Même étroite, la défaite est cinglante pour le Nouveau Front Populaire.


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Elle prend ses racines dans l’annonce, dès le résultat des élections européennes du 9 juin connu, de la dissolution de l’Assemblée Nationale par Emmanuel Macron. Ce soir-là, les supporters de Raphaël Glucksmann se sont retrouvés à La Bellevilloise pour fêter ce que la gauche sociale-démocrate attendait depuis deux ans : l’inversion du rapport de force entre le Parti socialiste qui remporte alors 14 % des voix, et La France Insoumise, qui demeure en dessous des 10 %, soit un écart de 4 points. L’espoir d’un rééquilibrage en faveur d’une gauche de gouvernement est réel. Les participants laissent exploser leur joie. Elle est de courte durée : l’échéance des élections législatives fixée aux 30 juin et 7 juillet rebat toutes les cartes. « On avait trois ans pour tout reconstruire, on n’a plus que trois semaines », se désespère un membre de l’équipe.

Pendant quelques heures, on a espéré que Raphaël Glucksmann allait surfer sur son élan pour prendre la tête d’une social-démocratie renouvelée. Mais il n’a pas osé. « Il n’est pas prêt. Il a beaucoup bossé pour construire un programme et gagner les élections européennes, il ne peut pas s’improviser Premier ministre sans y avoir travaillé », décrypte une proche. Le tempo imposé par le Président de la République pousse les quatre chefs de partis, Olivier Faure (PS), Marine Tondelier (EELV), Manuel Bompard (LFI) et Fabien Roussel (PCF), à boucler dans l’urgence un accord, avant tout électoral, pour éviter grâce au Nouveau Front Populaire la bérézina annoncée de la gauche face au Rassemblement National.

Mission en partie accomplie : avec pas loin de 70 députés à l’issue des législatives, le 7 juillet, le Parti socialiste va plus que doubler le nombre de ses élus, au nombre de 30 dans l’ancien hémicycle, et rééquilibrer sa position avec LFI qui ne compte désormais guère plus de députés que lui. Mais pour aller ensemble au combat, il a fallu bâtir en quelques jours un programme bâclé, calqué sur les idées radicales de Jean-Luc Mélenchon plutôt que sur l’approche pragmatique de Raphaël Glucksmann. Il a suffi ensuite au couple Macron-Attal de renvoyer dos à dos les extrêmes, RN et LFI, pour achever de diaboliser Jean-Luc Mélenchon, déjà coupable dans l’opinion d’indulgence vis-à-vis du Hamas. Par ricochet, c’est toute la gauche qui est éclaboussée, accusée d’avoir pactisé avec le diable pour sauver quelques sièges de députés.

La vérité est que l’arrivée en tête du Nouveau Front Populaire avec 182 députés a surpris tout le monde, à commencer par ses propres membres, tant ils n’avaient pas vocation à gouverner, encore moins ensemble. LFI se complaît dans l’opposition, mais n’a jamais exercé de responsabilité. Quant à la gauche sociale-démocrate, elle commence tout juste à se reconstituer. Sur bien des points, les deux gauches demeurent irréconciliables, comme l’ont montré les divergences de fond qui ont opposé Manon Aubry et Raphaël Glucksmann tout au long de la campagne des élections européennes.


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Comment dégager un consensus sur un futur Premier ministre, si l’on n’est d’accord sur pas grand-chose ? Il y a loin d’un simple accord électoral à un véritable pacte de gouvernement. La brèche est béante et le camp présidentiel, avec Les Républicains, ne demandait qu’à s’y engouffrer, sur le clairon du barrage… à l’extrême-gauche.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique