Gauches anti-populistes, unissez-vous !

par Boris Enet |  publié le 13/11/2024

Comment « réveiller l’Europe » sans tirer une gauche de gouvernement de l’édredon ? LFI a initié le NFP, elle initie désormais la rupture, rejointe par la direction d’EELV. La gauche de gouvernement attend-elle la tonte, à 16 mois des municipales ?

Campagne d'affichage lors des dernières élections municipales, à Paris, le 14 mars 2020 (Photo de Joël Saget / AFP)

A une époque heureusement révolue, les jeunes maoïstes distinguaient la contradiction première de la contradiction secondaire. Commode et pas vraiment dialectique, cela s’applique à la gauche de gouvernement, piégée par une alliance inextricable et un calendrier qu’elle ne maîtrise pas.

Dans la digne tradition qui est la sienne, elle a accepté contre mauvaise fortune bon cœur, l’alliance avec une secte populiste et ses affidés face à l’extrême-droite, au nom de sa filiation antifasciste. C’est la première contradiction. Puis, empêtrée dans un plafond de verre de 30%, elle est désormais piégée pour s’extraire d’une alliance, le NFP, et sa mythologie unitaire, fusse-t-elle profondément dévoyée. C’est la seconde contradiction.

Mélenchon et ses lieutenants le savent. Ils profitent de l’aubaine, prêts à défaire la figure du « social traître », charmante récurrence du cœur des années 30, lorsque le KPD (Parti communiste allemand) inféodé au petit père des peuples, préférait s’en prendre aux militants socialistes du SPD qu’aux troupes de SA paradant outre Rhin.

A Lille, Marseille, Montpellier, les populistes issus de la gauche, avancent maintenant à visage découvert pour briser les majorités municipales, mener des campagnes diffamatoires et outrancières, dans la perspective de mars 2026.

D’autres, fragiles électoralement, choisissent une monture. C’est ainsi qu’EELV version Tondelier, multiplie les allégeances à Jean-Luc Mélenchon. La dernière législative partielle en Isère en donne la pleine mesure. A Montpellier, Julie Mignacca, présidente du conseil fédéral de la formation écologiste, ne s’embarrasse guère de nuances pour dénoncer les politiques « antisociales et antiécologiques » de M. Delafosse, maire socialiste.

Des outrances si calomnieuses qu’elles se retourneraient contre leur autrice ? Pas forcément. Dans une époque d’hystérisation du débat public, la posture et les outrances supplantent parfois les réalisations et les convictions. La présidentielle américaine ne vient-elle pas de le démontrer avec éclat ? Les mœurs aussi évoluent.

Jusqu’à présent, les Verts issus d’une culture anti-autoritaire, maniaient les joutes et les divisions, mais rejetaient le recours à l’exclusion comme mode de règlement des conflits politiques. Ce temps-là aussi est révolu. A Montpellier, le ménage interne continue pour celles et ceux, écologistes sincères, souhaitant consolider la majorité municipale. On nomme désormais cela, « la clarification ». Comment, dès lors, sortir de la double contradiction ?

Les experts en communication, conseillers de l’ombre, cabinets et stratèges proclamés parient sur la faute de trop. Ne pas apparaître comme le diviseur, promouvoir le bilan des barons socialistes et jouer la montre. Ici résiderait le remède.

Le problème est, qu’aux yeux de l’opinion de gauche et de centre-gauche, la perpétuation du NFP est au mieux une plaisanterie, au pire, une faute morale indélébile qui dépasse depuis longtemps l’âpreté du compromis politique. Il faudra en assumer le prix électoral.

L’autre solution, pour quelques temps encore, réside dans une rupture politique assumée, non pour jouer les Don Quichotte, mais pour assumer dans l’arène la seule grande leçon apprise par Mélenchon de ses anciens mentors : le rapport de force.

Chiche ?

Boris Enet