Gaza et le massacre des innocents

par Jérôme Clément |  publié le 14/10/2023

Les images télévisées des kibboutz près de Gaza nous replongent dans les références bibliques et artistiques, nous rappelant que l’histoire se répète

Jérôme Clément

L’épisode de l’Évangile, selon saint Matthieu, « le massacre des innocents », raconte le meurtre commis sur l’ordre d’Hérode, roi de Judée, de tous les enfants juifs de moins de deux ans, parmi lesquels devait se trouver le futur roi des juifs. L’événement est raconté par les historiens, dont Flavius Josèphe, contesté par d’autres qui font plutôt référence à l’ancien testament, le pharaon ayant ordonné la mort de tous les nouveau-nés israélites mâles avant que Moïse ne vienne pour sauver son peuple. Le jour des saints innocents est fêté par les chrétiens le 28 décembre en Occident et le 29 en Orient.

Dans l’inconscient collectif, l’assassinat des bébés est l’acte le plus terrible auquel des guerriers peuvent se livrer

Dans l’histoire des religions et dans l’inconscient collectif, l’assassinat des bébés est l’acte le plus terrible auquel des guerriers peuvent se livrer, a fortiori, lorsqu’il est une nouvelle fois commis en terre sainte, pratiquement sur les lieux mêmes où Hérode se rendit tristement célèbre par cet acte barbare. Quoi de plus innocent qu’un bébé et de plus effroyable que son assassinat ?

L’imagination humaine est tellement frappée par cet acte niant les valeurs de la vie en devenir, qu’il a inspiré de très nombreux artistes, peintres, sculpteurs, musiciens, au cours des siècles.

Soldats déchaînés, mères essayant de protéger leur fils, enfants déchirés par des épées sanguinolentes… Pierre Brueghel l’ancien a peint son massacre des innocents en 1565, en référence à la sanglante répression de la révolte des Pays-Bas espagnol par les soldats du duc d’Albe. Guido Reni, Rubens, et surtout Nicolas Poussin, qui a exécuté l’une de ses œuvres les plus fameuse en 1627. Sans doute fait-il référence à un épisode célèbre de l’époque – les massacres ne manquent jamais – situé dans l’empire ottoman. Poussin a choisi de montrer le massacre d’un seul enfant. Un homme, vêtu d’un manteau rouge, brandit son épée au-dessus d’un bébé maintenu au sol à l’aide de son pied droit.

Une femme, à genoux, vêtue d’une robe jaune, tente de retenir le soldat

Du corps du petit enfant sort un filet de sang. Le soldat s’apprête à frapper une deuxième fois. L’enfant crie. Une femme, à genoux, vêtue d’une robe jaune, tente de retenir le soldat, sa main droite agrippant son dos, sa main gauche, tendue vers l’épée . Elle hurle, les yeux tournés vers le ciel et le soldat qui la retient en lui tenant les cheveux vers l’arrière. À l’arrière-plan, des femmes s’échappent, tenant des enfants morts, la bouche ouverte, l’une d’elle tirant les cheveux à une autre qui s’enfuit avec son bébé vivant sur l’épaule.

Ce tableau, copié d’innombrables fois, a inspiré de nombreux artistes, dont surtout Picasso, qui s’en est servi pour Guernica : le cri de la femme à l’enfant mort. La guerre d’Espagne, précédant de peu le génocide de la Shoah.

Malheureusement, la beauté des œuvres n’efface pas les crimes des hommes

Aujourd’hui, ce sont les images télévisées des kibboutz près de Gaza qui nous replongent dans ces références bibliques et artistiques, nous rappelant que l’histoire se répète, sans progrès, aucun, les mêmes scènes dans les mêmes lieux, une même nature humaine, capable du pire, la mort, comme du meilleur, l’art.

Malheureusement, la beauté des œuvres n’efface pas les crimes des hommes. Elles illustrent, les massacres se succédant au fil de l’histoire , le destin tragique de la condition humaine.

Jérôme Clément

Editorialiste culture